Nous sommes en 1998 et pendant que la France vibre au rythme de son équipe de foot,
Squaresoft continue à dominer outrageusement le monde du J-RPG en squattant désormais la Playstation avec des jeux tels que
Xenogears,
Final Fantasy VII ou encore
Final Fantasy Tactics et
Parasite Eve, aussi bien au Japon qu'en Occident. Et au milieu de ces titres "serious business" se cachent des titres un peu plus légers.
Brave Fencer Musashi en fait partie. Sorti fin novembre aux USA, celui qui au départ était "juste" le porteur d'une démo de
Final Fantasy VIII s'est vite fait son nom à lui, au point d'être érigé par la communauté comme la réponse de
Sony à
The Legend of Zelda: Ocarina of Time ! Forcément une telle réputation, ça attise la curiosité.
On l'appelait Musashi
C'est toujours quand les parents vous laissent les clés de la maison que les ennuis se pointent, c'est bien connu. Ainsi la jeune princesse Fillet, qui a en charge le royaume d'Allucaneet pendant que ses parents sont en vacances, doit faire face à une agression brutale et soudaine de l'empire voisin de Thirstquencher. Elle et ses conseillers se retranchent alors dans les tréfonds du château afin d'accomplir le rituel censé invoquer le Brave Fencer Musashi, le héros légendaire qui a sauvé Allucaneet il y a de ça cent cinquante ans. Le rituel réussit et le héros est invoqué : le légendaire Musashi... est un tout petit bonhomme aussi impatient qu'il est malpoli. Pas vraiment le temps de tergiverser, on lui explique le topo : s'il veut rentrer chez lui, il faut qu'il récupère l'épée sacrée Lumina, les cinq parchemins qui en augmenteront le pouvoir et qu'il boute les anglais hors de France. Le tout avant que sa "Binchotite" (sorte d'énergie vitale) tombe à 0, sinon c'est la mort. Musashi s’exécute car il n'a pas vraiment le choix et récupère Lumina au nez et à la barbe de ses ennemis. Quand il revient au château, c'est pour s’apercevoir que la princesse vient d'être capturée à son tour. Un truc de plus sur la liste, au boulot !
Inutile de chercher la complexité où il n'y en a pas,
Brave Fencer Musashi est un de ces jeux qui préfèrent miser sur l'humour et l'univers plutôt que sur une trame vraiment recherchée. Le récit est plutôt banal même s'il offre parfois quelques moments émotions et quelques rebondissements. En fait, c'est surtout son casting déjanté qu'on retiendra, en commençant par son héros : irrespectueux, arrogant, rancunier, impatient, parfois vulgaire mais néanmoins courageux et disposant d'un bon fond, Musashi ne rate jamais une occasion de l'ouvrir et cela offre toujours de grands moments. Ses alliés sont totalement à l'ouest et ses ennemis aussi stupides que méchants. L'absurdité des situations et des dialogues ne fait que renforcer le côté burlesque de l'aventure (l'un des boss doit être battu lors d'une partie de
Dance Dance Revolution, un autre se prendra un rocher de la part d'un Musashi vengeur à la conclusion d'une compétition d'escalade, ...) d'autant plus que le jeu dispose d'un doublage intégral en anglais de très bonne qualité, les doubleurs jouant le jeu jusqu'au bout en rajoutant accents et tons à leur travail et donnent ainsi un peu plus de teneur aux personnages. Plus c'est con, plus c'est bon comme on dit.
Brave Fencer Musashi respecte à merveille cet adage.
Kirby's Adventure
BFM (on va l'abréger ainsi) est un A-RPG, un A-RPG aux mécaniques assez particulières et on s'en aperçoit assez vite dès les premières minutes du niveau servant de tutoriel, qui met en avant le principal atout de notre brave samouraï, son katana appelé Fusion. Il lui permet de littéralement absorber ses ennemis et d'acquérir leurs capacités (comme
Kirby !). Autre particularité, Musashi ne gagne pas de niveau de manière classique : sa force (Body) augmente en fonction du nombre d'ennemis vaincus, sa défense (Mind) en fonction du nombre de pas effectués, sa capacité à absorber et utiliser les capacités des monstres (Fusion) augmentera en fonction de l'utilisation des-dites capacités, tandis que sa capacité à utiliser la magie dépendra de l'utilisation de l'épée Lumina qui servira d'intermédiaire pour l'utilisation de ladite magie. Voilà pour la base. Pour le reste, c'est assez classique : un seul village qui va servir de base d'opération avec tout ce qu'il faut de PNJ et de magasins, une progression dans les zones en fonction des objets/capacités acquises, des donjons à visiter, des boss à abattre et des secrets à dénicher, tout ça en six chapitres. On regrettera juste que le jeu ne soit pas forcément très explicite sur les lieux ou objectifs à atteindre : parfois il suffira d’aller voir la diseuse de bonne aventure ; en moins évident, de se taper une partie de la bibliothèque du château pour des indices, ou parfois d'entrevoir la prochaine étape totalement par hasard, à travers les mots d'un villageois lambda.
Classique donc, mais largement compensé par le rythme effréné de l'aventure et le soin apporté à la grande diversité du gameplay : combat, exploration, donjons, séquences de plate-formes, courses d'obstacles et autres mini-jeux s’enchaînent sans temps morts, sans que ça ne soit ni trop facile, ni trop dur. Il faudra également user de sa matière grise en plus de ses mains car le jeu multiplie les obstacles et les énigmes dans lesquels l'utilisation de Fusion est presque la réponse à tout : bloqué par un tapis de ronces ? Voyez autour de vous s'il n'y a pas un ennemi bondissant dans les parages. Ennuyé à cause de cette salle dans le noir ? Ça tombe bien, il y a des ennemis luisant pas loin. Attention cependant à trois choses : on ne peut acquérir qu'une capacité à la fois, certaines disparaissent après un court laps de temps, et surtout l'utilisation de ces capacités ronge la jauge de Binchotite de Musashi qui descend déjà "naturellement" ; si elle tombe à 0 rassurez-vous, il ne meurt pas comme l'histoire du jeu le laisse penser, mais va plutôt se transformer en punching-ball ayant deux de tension. Une bonne nuit à l’auberge, la consommation de nourriture ou juste les objets lâchés par les monstres permettent de requinquer notre brave samouraï.
On regrettera cependant certains choix douteux ou pas forcément judicieux de la part de Squaresoft, à commencer par l'instauration d'un système de fatigue. Musashi va ainsi voir un compteur affiché en %, représentant sa fatigue, augmenter progressivement au fil de ses pas et ses actions. Plus le compteur sera haut, plus ses actions seront lourdes et lentes à effectuer. Pour remettre la jauge à 0, deux solutions : passer à l’hôtel ou déclencher l'action sommeil pour voir Musashi tomber comme une masse et dormir à l'endroit où il est, aussi bien en ville que dans une grotte infestée d'ennemis ! Un élément de gameplay vraiment dispensable qui casse régulièrement la dynamique du jeu. Paradoxalement cet élément sera plus efficace dans un autre domaine, celui de la gestion du temps : le jeu dispose d'un cycle jour/nuit qui aura une influence sur l'apparition des monstres, des PNJ et des évènements, et faire s'affaler Musashi pour faire défiler l'horloge est généralement la meilleure solution (ne serait-ce que pour l'ouverture des magasins).
Le développeur nippon a aussi expérimenté un système de péremption des objets, certains pourriront avec le temps comme les fruits, et certains à l'inverse comme le fromage gagneront en efficacité. Il faut donc bien choisir quoi amener dans sa besace qui ne peut contenir qu'un nombre très limité d'objets. Encore quelque chose de particulièrement enquiquinant car les excursions de Musashi sont rarement de tout repos (mention spéciale au très long donjon du chapitre 3 !) et il faut veiller à prendre les bons objets de soin, mais pas trop non plus. Il faut également garder quelques emplacements pour les reliques que seul l'antiquaire du village pourra identifier. C'est d'ailleurs le seul moyen viable d'obtenir des pépètes et surtout les accessoires qui amélioreront les capacités de notre brave épéiste, certaines étant nécessaires pour continuer l'aventure. Soit vous jetez des objets de l'inventaire au fur et à mesure de la progression, soit vous vous infligez nombre d'allers-retours pour ne rien perdre. D'ailleurs ayez toujours un antidote sur vous, le poison étant le seul statut anormal ne pouvant se soigner naturellement. On s'adapte cependant à ce cumul de petites tares, et même si le jeu n'est pas injouable pour autant il est quand même agaçant de se voir régulièrement coupé dans son élan.
Fête Foraine
BFM est intégralement en 3D, une 3D très colorée mais cependant assez grossière ; pour sa défense, à ne pas oublier qu'il fait partie des premiers jeux de
Squaresoft en la matière. Ainsi même si certains décors sont assez affreux et qu'on peut constater des bugs de collisions par-ci par-là, le travail haut en couleurs reste de bonne facture. Notamment en ce qui concerne le très bon boulot sur les expressions des personnages. Lesquelles participent d'ailleurs grandement au fun de l'aventure. Le soin apporté à l'influence du jour et de la nuit avec les nombreux et sympathiques effets que ça implique est également très appréciable. On blâmera en revanche la caméra pas facile à dompter en exploration et fixe dans les donjons, ce qui rend les phases de plateforme plutôt tendues.
A la bande son on retrouve
Tsuyoshi Sekito, déjà installé chez
Squaresoft depuis un moment (mais dont le nom ne se fera vraiment connaitre que bien plus tard avec
Romancing SaGa -Minstrel Song-,
The Last Remnant et aussi sa place dans le groupe
The Black Mages), qui laisse libre court à son talent et son imagination vu que
BFM est un de ses rares travaux en solo. En résulte une OST très hétéroclite et en symbiose totale avec le jeu, enchainant des morceaux tantôt très mélodiques, tantôt très épiques lors des combats ou encore très rythmés lors des phases d'explorations, le tout avec l'ombre du synthé et de la guitare planant constamment, armes de prédilection du compositeur. On se surprend même parfois à siffloter certains airs.
Enfin comptez quinze à vingt heures pour finir le jeu en ligne droite, un peu plus si vous vous intéressez aux annexes. Les deux plus grosses vont être liées à l'augmentation des stats de Musashi avec en premier la recherche des Bincho Fields, au nombre de trente cinq, des cristaux disséminés à travers Allucaneet dans lesquels sont enfermés le personnel du château. A la clé, l'augmentation de la barre de Binchotite et la possibilité d'apprendre de nouvelles techniques. L'autre quête va consister à attraper les Minku, petites créatures ne sortant que la nuit et qui offrent un fruit augmentant la barre de HP (sans oublier le boss fight bonus si les treize Minku sont trouvés). On pourrait également citer la collecte des figurines, achetables au magasin du village, mais dont le déblocage de certaines est lié à des conditions très spéciales qui pourraient être considérées comme des achievements avant l'heure.
En l'état
Brave Fencer Musashi n'est pas vraiment le Zelda-killer tant vanté et attendu, un constat qu'on a sans doute pu faire en 1998 autant qu'aujourd'hui. Il n'en reste pas moins un A-RPG plutôt solide et divertissant sous tous les plans, malgré ses défauts un tantinet agaçants, et qui offrira une bonne dose de fun faute d'un souvenir impérissable. Le jeu n'a pas rencontré un succès commercial fou et est malheureusement resté dans les mémoires comme "
le jeu contenant la démo de Final Fantasy VIII" ce qui est un peu injuste. A noter que
Square Enix redonnera une seconde chance au légendaire samurai avec
Musashi: Samurai Legend sur
Playstation 2 en 2005, qui là aussi ne marquera pas les esprits et qui conclura (pour de bon?) les aventures de notre bretteur.
25/11/2012
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- Musashi
- Le fun de l'aventure, la variété des situations
- L'audio en général (doublages, musiques)
- Les nombreuses idées du gameplay...
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- ... même si certaines étaient dispensables (fatigue, système d'usure)
- Cette foutue caméra
- Ergonomie mal pensée
- Pas toujours évident de savoir où aller
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TECHNIQUE 2.5/5
BANDE SON 4.5/5
SCENARIO 4/5
DUREE DE VIE 3/5
GAMEPLAY 3.5/5
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