Masato Kato,
Yasunori Mitsuda et
Kunihiko Tanaka, une sainte trinité qui a fait rêver plus d'un amateur de RPG. Tous trois sur
Xenogears et
Xenosaga, les deux premiers ont également amplement contribué aux légendes que sont
Chrono Trigger et
Chrono Cross. C'est donc en toute logique que le titre édité par
SEGA, développé par
Imageepoch, et réunissant la fine équipe a vite déchainé quelques passions au sein de la communauté. Pourtant, les retours suite à la sortie japonaise du titre furent plus que mitigés...
Le jeu méritait-il de se faire "détruire" ainsi ?
Détruire le monde ?
Dans un monde où les humains sont dominés et asservis par les Ferals (des lycanthropes), des groupes humains dissidents se battent pour obtenir leur émancipation. Le plus extrême d'entre eux est mené par la jeune Morte Asherah, et a pour but la destruction du monde, en toute simplicité.
Le héros du jeu, Kyrie Illunis, vit paisiblement dans son village, élevé par son oncle, le chef. Il est souvent mandaté au manoir afin de réaliser des commissions pour le compte du Feral en charge de la région. Mais ce jour là, il n'est pas convoqué au manoir pour ses précieux services. Des rumeurs l'associent au "comité de destruction du monde" mené par Morte, et les Ferals veulent enquêter. D'une nature affable et peu enclin à causer du tort, Kyrie semble prêt à coopérer, jusqu'au moment où une voix venue de nulle part lui intime l'ordre de fuir. Totalement perdu et troublé, Kyrie obtempère, mais échapper aux Ferals n'est pas si simple, et quelques couloirs plus loin, le voilà encerclé, prêt à être enfermé. La mystérieuse voix lui ordonne alors de "détruire", avant de prononcer "
Acta Est Fabula". Une grande puissance émane alors de Kyrie, réduisant tout à l'état de sable. Alors qu'il git ensuite au sol sur le sable, incapable de comprendre ce qui se passe, Kyrie est arrêté par les Ferals, et jeté au cachot.
C'est alors que Morte intervient pour le libérer, suite à l'un de ses ordres sur papier tombés de nulle part, ayant besoin de lui afin de détruire le monde, et l'enrôle de force dans son groupuscule.
Le scénario intrigue dès le départ. Quel est ce mystérieux pouvoir que possède Kyrie ? D'où vient cette voix qui lui intime de poursuivre toujours plus loin la destruction ? Que sont ces étranges affichettes qui tombent même dans les endroits les plus incongrus pour donner des ordres au comité ? Détruire le monde pour mieux
le guérir ?
On suit l'histoire avec plaisir, elle est bien menée et aborde les grands thèmes classiques du RPG japonais : racisme, corruption, trahison, notion de libre arbitre... Le scénario prend d'ailleurs souvent le pas sur l'exploration et les combats durant la première partie du jeu, avec des séquences de dialogues longues et fréquentes. On pourra tout de même regretter que le scénario soit finalement assez convenu et manque peut-être d'approfondissement. Plusieurs éléments restent au final sans réponse, la fin du jeu est totalement ratée, une certaine légèreté dans le ton détonne avec le sérieux des sujets abordés et certains passages bien "
japoniais" décrédibilisent quelque peu l'ambition scénaristique.
Les personnages sont assez réussis, notamment les ennemis, en dehors des deux héros principaux. Morte est impulsive, et finit par lasser à force de ne savoir parler que de destruction en toute circonstance, tandis que le héros est assez naïf, mou, sans aucun charisme, et on se demande ce qu'il a
vale, Kyrie.
Un vent de nostalgie
Dès le départ, on sent que le jeu est un projet ambitieux pour la console. Non, je ne fais pas allusion à l'intro en images de synthèse, dont la qualité est vraiment médiocre, mais qui dénature en plus totalement les personnages et leur personnalité. Une introduction en DA, comme il y en a tant de qualité sur la console, eut été surement d'un bien meilleur goût.
Le jeu nous plonge ensuite dans des environnements en 3D sur lesquels de jolis sprites 2D viennent s'intégrer. Le style rappelle immédiatement
Xenogears, d'autant que les combats sont présentés de la même façon, et que les sprites pixellisent bien lors des vues rapprochées. Les décors sont fins, détaillés, et même si les couleurs parfois flashy pourront surprendre, on est assurément en présence d'un des mélanges du genre les plus réussis, que je trouve un poil plus réussi que sur les remakes des
Dragon Quest, même si la vue fréquemment trop éloignée est peu adaptée à la résolution de l'écran. En somme, on se croirait revenu au bon vieux temps de l'ère 32 bits, avec ses
Grandia,
Breath Fire 4 et bien sur...
Xenogears. Il est d'ailleurs à noter que le stylet ne sert à rien, et ne peut être utilisé.
Chaque continent étant associé avec une saison, les décors sont plutôt variés, et les lieux sont parfois visuellement très originaux. Le jeu possède une identité propre, une ambiance atypique qui ne laissera pas indifférent, dans les deux sens. À noter que l'on peut souvent faire tourner la caméra à son bon vouloir, afin de mieux distinguer les détails.
Les affrontements sont parfaitement animés, les sprites très beaux et les ennemis sont bien désignés, notamment les boss, souvent énormes. Seule fausse note, les arts lors des attaques spéciales dénotent totalement avec le reste du chara design au cours du jeu, très convaincant.
La bande son ne manque pas non plus d'évoquer les anciennes gloires. On ressent immédiatement la patte de
Yasunori Mitsuda, et certaines pistes auraient sans problème eu leur place dans les OST de
Xenogears ou
Chrono Trigger, tant le style est similaire et réussi, avec quelques magnifiques envolées. Néanmoins, on peut ressortir bien moins, voire presque pas, de pistes mythiques à même de marquer la mémoire des joueurs. Plus grave, les nombreux doublages sont totalement ratés, et contribuent grandement au manque de crédibilité de certaines séquences. Puisque les cartouches DS ne peuvent contenir à la fois les doublages anglais et japonais, on pourrait se demander si la solution adoptée par
NISA sur
Atelier Annie, à savoir proposer seulement les doublages japonais, n'est pas la meilleure...
Dirigisme presque total
Le déroulement du jeu est lui plus à rapprocher de Grandia. N'espérez pas parcourir de vastes plaines ou vous perdre sur la carte du monde à la recherche du prochain lieu. Ici, on se contente de choisir sa destination, la plupart du temps imposée. Il faudra attendre la fin du jeu pour pouvoir réellement avoir le choix, et ainsi réaliser les quelques quêtes annexes développant les personnages. Là encore, le jeu risque de briser bien des attentes. Mais attention, il convient de bien distinguer dirigisme dans le déroulement et linéarité.
Le design des lieux est souvent évolué, avec des énigmes élaborées, et il faudra parfois bien cogiter pour en voir le bout. Sûrement le point le plus convaincant du jeu, les lieux jouissent d'une conception intelligente et intéressante. Hélas, il faut une nouvelle fois tempérer ce constat, en n'omettant pas de préciser que la fréquence de combats est très élevée, comme à la grande époque 16 bits, et les joueurs actuels ne sont pas forcément prêts à l'accepter. Lors de certains passages, on ne pourra faire plus de trois pas entre chaque. Heureusement, puisque l'on peut sauvegarder à tout moment, on n'est pas amené à refaire de longs passages jalonnés de combats lors d'un Game Over inattendu, ou lors d'essais pour résoudre quelques énigmes tordus. C'est toujours ça.
Les villes présentent tout ce que l'on peut attendre d'elles. Une auberge, des vendeurs d'armes, armures et objets, et surtout, un forgeron, sont disponibles. Ce dernier permet d'ajouter divers bonus aux armes avec des matériaux trouvés dans les lieux ou tout simplement extraits d'armes possédées. Un système de personnalisation intéressant, que la difficulté du jeu et le prix nécessaire rendent finalement un peu anecdotique, hélas, d'autant que le forgeron est absent de "nombreuses" villes. Enfin, toujours au rang des imperfections, un grand sentiment de déréliction nous habite lorsque l'on traverse certaines villes, affreusement vides et dépourvues d'habitants à qui parler, sans que le contexte ne l'explique ou le justifie.
Combos !
Point essentiel du jeu, tant la fréquence est élevée, les combats se devaient d'être travaillés.
Et sur ce point, force est de constater que le jeu ne déçoit pas. Au tour par tour et articulés autour d'un système de moral (à la manière de
The Last Remnant) et de combos, ils se révèlent bien moins basiques qu'il n'y parait au premier abord. Chaque bouton correspond à un type d'action précis : attaque faible, forte mais moins précise, magies/objets et enfin défense, le jeu se prend en main instinctivement.
Les actions sont régies par des points de batailles, qui définissent le nombre d'actions que chaque combattant peut accomplir par tour. Pour chaque point obtenu, on peut exécuter une nouvelle action.
Le nombre de points initial dépend de nombreux paramètres : le moral du personnage, l'équipement porté et les "Quids" (railleries en français dans le manuel) assignées. Tout au long de la quête principale et lors de certaines annexes, les personnages vont sortir quelques tirades particulières (les fameuses Quids) que l'on pourra ensuite assigner dans les menus. Chaque tirade déclenche aléatoirement un effet spécifique au cours des combats, il faut donc savoir en faire bon usage. Le moral, quant à lui, dépend également de l'équipement mais aussi des habiletés utilisées.
Au cours d'un enchaînement, de nombreuses conditions amènent à gagner des points, comme réaliser 10 Hits, effectuer une attaque critique ou projeter un ennemi dans les airs. Plus on progresse dans les combos, plus les attaques et magies disponibles sont puissantes. Une fois que l'on dispose de six points de bataille, on peut lancer une attaque surpuissante qui exige que l'on exécute une séquence de touche adéquate... qui est presque toujours la même : marteler le bouton X ! Assez troublant, et finalement nullement technique. Dernière petite finesse du système, si un personnage entame son tour alors que le précédent venait d'assommer ou envoyer dans les airs un ennemi, une attaque liée s'enclenchera avant même son tour, sans consommer aucun point.
À la fin de chaque combat, on gagne des CP (points de compétence) qui permettent d'apprendre et d'améliorer les attaques et magies, en puissance, précision ou coût en MP. En passant certains paliers, des choix s'offrent à nous, et donnent la possibilité notamment de lier entre elles les premières attaques. Pour les joueurs qui rateront totalement leurs choix, le jeu offre heureusement la possibilité d'acheter des objets qui remettent tout à plat.
En somme, le système de jeu est incroyablement complet et fin, et on dispose de surcroît d'une bonne dose de personnalisation. En surface, tout du moins.
Difficulty Destruction
Mais comme dans Sands of Destruction, rien n'est vraiment parfait, il faut bien reconnaitre que si le système affiche de bonnes idées et de bien belles promesses, l'ensemble est bien bancal :
- Tout d'abord, dès que le joueur lie les attaques entre elles, la difficulté disparait presque instantanément, avec des enchainements démesurément puissants et des tours qui se concluent presque systématiquement par l'attaque spéciale obtenue avec les six points de bataille... Enfin, quand l'ennemi résiste suffisamment pour le permettre, et le constat est valable pour l'ensemble des boss.
- Il faut ensuite admettre que les combats sont plutôt longs, et cela devient affreux contre les boss, qui se boostent toujours de façon à jouer trois ou quatre fois consécutivement, avec des animations qui durent, et l'on peut vite s'ennuyer. Il est d'ailleurs impossible de sauter les animations, que ce soit les nôtres ou celles adverses...
- J'ai également noté une certaine tendance des ennemis, et surtout des boss, à se focaliser presque exclusivement sur Morte, qui finit souvent par bien porter son nom. Si cela est cohérent avec l'histoire, c'est par moment assez frustrant, tant les boss peuvent poser souci.
- Plus troublant, la séquence des tours de chaque portagoniste, présentée en bas de l'écran, n'est presque jamais respectée.
- Enfin, la gestion fine des conditions pour augmenter les points de bataille est intéressant, mais on n'a finalement aucune liberté d'action et elles sont trop basées sur le hasard, si bien que l'on joue toujours de la même façon, au lieu d'essayer de tirer partie d'une condition précise.
On se retrouve donc à enchaîner les combats lors de la deuxième moitié du jeu (soit une douzaine d'heures et quelques unes supplémentaires si l'on se plonge dans les annexes) sans réellement se concentrer. On martèle le bouton Y jusqu'à l'attaque spéciale, on martèle ensuite le bouton X, pour un schéma qui se répètera plusieurs centaines de fois. Dommage, car avec un meilleur équilibre, on obtenait pour sûr l'un des meilleurs système de jeu sur le support.
Sands of Destruction est un RPG à l'ancienne plein de promesses non tenues. Bien réalisé, possédant le charme des RPG d'antan et avec un Mitsuda en bonne forme à la bande son, le jeu dégoutera tous ceux qui sont rebutés par le dirigisme total et les fréquences de combats très élevées. Surtout, on pouvait attendre bien plus du scénario, même si celui-ci se révèle assez intéressant et plutôt bien construit.
Il ne faut pas tenter une vaine comparaison avec ses glorieux ainés, afin de pouvoir apprécier le jeu pour ce qu'il est, et non ce qu'il aurait pu être, ou ce que l'on aurait voulu qu'il soit.
Et vice et versa.
24/01/2010
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- Ambiance
- Belle bande son
- DS parfaitement exploitée
- Lieux intéressants
- Bonne gestion des skills
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- Trop dirigiste
- Mauvais doublages
- Combats sans intérêts après la moitié
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TECHNIQUE 4/5
BANDE SON 3.5/5
SCENARIO 3.5/5
DUREE DE VIE 3.5/5
GAMEPLAY 3/5
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