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Infinite Space
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Infinite SpaceShips and Cheap
Largement mis en avant par SEGA, Infinite Space avait pour but de combler un grand vide dans l'univers RPG actuel : le space opera de grande envergure. Avec Nude Maker et surtout Platinium Games à la baguette, on pouvait s'attendre à un jeu ambitieux qui place le plaisir de la découverte et de l'exploration au cœur d'une grande épopée. En prenant finalement le parti d'un jeu old school assez épuré, Infinite Space laissera forcément certains joueurs et fantasmes à quai, embarquant les autres dans une grande aventure et un univers riche qui ne laissera pas insensible.
Vers l'infini et au-delàSur la petite planète Ropesk perdue au fin fond de l'espace, il est prohibé par Demid Panfilov, le despote local, de quitter la planète pour aller explorer l'océan d'étoiles. L'interdiction attise toujours plus l'envie, et le jeune Yuri désire par dessus tout rejoindre les étoiles qu'il contemple de longues heures durant, en rêvant de devenir un explorateur de l'espace, un "Zero-G Dog", comme son père, qui a disparu en ne laissant derrière lui qu'une étrange pierre, l'Épitaphe. Il ne va pas hésiter à s'offrir les services d'une transporteuse, la sulfureuse Nia Lochlain, afin de l'initier, et le voila vite à la tête de son propre vaisseau, prêt à défier Demid Panfilov, qui a été jusqu'à kidnapper sa sœur Kira afin de le faire revenir les pieds sur terre. Malgré son inexpérience et sa fougue mal maitrisée, Yuri va parvenir à ses fins et libérer sa nation du joug de Panfilov, avant de partir réaliser son rêve par delà les étoiles, en compagnie de Kira, Nia et Torlo, un pirate miteux récupéré en chemin.
On pourrait croire que ces quelques lignes en dévoilent bien trop sur le scénario, mais rassurez-vous, tout ceci est détaillé dès la très belle introduction du jeu - le seul passage techniquement réussi - et couvre à peine la première heure du jeu. Car l'ascension de Yuri de paysan à capitaine d'un vaisseau spatiale est fulgurante, tout se passe vite, bien trop vite, et on peut être dérouté par ce début qui donne l'impression d'être mal maitrisé. Bien vite, l'équipage va être confronté aux luttes de pouvoirs entre fédérations et aux pirates qui dominent les galaxies, tandis que le mystère des Épitaphes va de plus en plus obséder Yuri. Librement inspiré de Childhood's End (ou Les Enfants d'Icare, la célèbre nouvelle de science fiction signée Sir Arthur C. Clarke) de l'aveu même des développeurs, le scénario du jeu va en reprendre beaucoup de thèmes communs, bien que leur simple évocation en divulguerait déjà trop. On notera même des références très explicites, comme la présence des Overlords, bien que leur rôle est ici quelque peu différent. Globalement, si le début du jeu est assez peu intéressant, crédible et manque de rythme passé la première heure de jeu, cela va très vite évoluer pour proposer un scénario haletant, avec un rythme soutenu qui ne retombe presque jamais, différents embranchements et une trame bien plus recherchée que la première moitié du jeu ne le laisse penser. Surtout, l'ensemble est porté par un casting pas avare en figures cultes que l'on n'oubliera pas de sitôt, étant à l'origine de quelques scènes mémorables. On se retrouve bien loin des clichés du J-RPG, avec une ambiance sombre, triste et par moment assez dure. Imagine all the planets (living life in peace)La grosse interrogation concernait la capacité du support à accueillir un space opera de grande envergure. La réponse est finalement toute simple : l'ambition technique est proche du néant. Ceux qui se voyaient déjà parcourir l'espace librement à la manière d'un Freelancer peuvent ranger leur fantasme au placard et se faire une raison : l'exploration d'Infinite Space se réduit à sa plus simple expression. Il faudra être capable d'une abstraction folle pour s'imaginer en train de voyager dans l'espace et s'immerger totalement, jugez-donc : les planètes sont représentées par de simples cercles bleus, tandis que les voyages interplanétaires ne s'effectuent que le long de grande lignes qui rappellent rapidement pourquoi le nom initial du jeu fut Infinite Line. Le joueur se contente de pointer la destination désirée et d'attendre que le vaisseau arrive à bon port (littéralement). Rien ne permet de distinguer deux secteurs au premier coup d'œil, les trajets ne permettent pas d'admirer les planètes survolées en chemin, et on comprend bien vite que l'intérêt du soft ne sera pas là. L'espace a beau être infini, les possibilités sont bien réduites en son sein.
Une fois au sol, arrimé au port d'une planète, on ne peut guère dire que la recette change fondamentalement. Des écrans fixes en guise de décors, quelques menus pour naviguer d'un lieu à un autre (bars, boutiques, guildes...), on ne ressent absolument pas les changements de faune, de flore ou de culture. Un comble pour un jeu qui prétend nous faire voyager loin et nous dépayser. Même les quelques explorations de bases de pirate en vue subjective n'ont aucun intérêt : on se contente de choisir la direction à suivre, toujours via un menu, dans un décor qui reste inlassablement le même tout au long du jeu. Même Phantasy Star était plus évolué sur cet aspect, dès 1987... C'est clair, Infinite Space ne mettra pas des étoiles plein les yeux avec ses "phases d'exploration" (en quelque sorte...), mais le jeu joue dans un autre registre, en déployant des trésors d'ingéniosité pour placer le joueur dans la peau d'un commandant, un vrai. Maitre à bordCar dans Infinite Space, on ne se contente pas de jouer un commandant d'une flotte, on l'incarne littéralement, investi de sa mission, tel un Captain Igloo allant pêcher ses petits poissons panés avec amour. On a ainsi la main sur tout, ou presque.
Première tâche d'un bon commandant, gérer sa flotte. Il faudra disposer jusqu'à cinq vaisseaux sur une grille représentant le placement au cours du combat. Bien entendu, plus un vaisseau se trouve en avant, plus il a de chance de se faire attaquer et toucher, et chaque type possède ses spécificités ; un Battleship sera puissant et résistant mais plutôt lent, un Destroyer rapide mais peu résistant tandis qu'un Carrier permettra d'embarquer de petits vaisseaux (fighters) en son sein pour combattre à nos côtés, par exemple. Une bonne flotte est une flotte équilibrée, car on contrôle la flotte dans son ensemble, et non chaque vaisseau individuellement, et ses caractéristiques dépendent directement de celles des vaisseaux. Durant la majeure partie du jeu, il faudra en conséquence savoir la composer intelligemment dans la mesure de ses moyens, la dernière partie du jeu permettant d'obtenir des vaisseaux hallucinants qui peuvent presque remplir tous les rôles à la fois. Jouissif. Mais le cœur du jeu, sa substantifique moelle, ce qui accaparera le joueur des heures durant, c'est surtout la customisation des vaisseaux. Et on ne peut pas dire que le jeu manque de générosité à ce niveau, puisque l'on peut presque tout paramétrer, des armes au moindre petit module à équiper. Les paramètres à prendre en compte pour les armes sont nombreux : la portée, la puissance ou encore la zone de dégât, il faudra savoir s'adapter à chaque situation. La gestion des modules, elle, est surement le point le plus original du jeu. Évoquant la gestion des modules des tanks dans Valkyria Chronicles, le système se base sur des slots dans chaque vaisseau, dans lesquels on peut placer les modules aux formes variées, que l'on doit agencer du mieux possible. Difficile de ne pas penser à Tetris lorsqu'on se prend la tête à bien encastrer les blocs pour optimiser l'espace disponible. Mais le jeu en vaut la chandelle, pour augmenter la vitesse de la flotte, sa puissance, mais aussi placer divers départements de recherche ou améliorer la commodité du vaisseau, qui influe directement sur la récupération des troupes. Un système bien vite addictif que l'on exploitera du mieux possible par simple plaisir, le jeu ne le nécessitant pas forcément pour s'en sortir. On regrettera juste qu'on ne puisse avoir d'indication sur le nombre de slots et surtout leur forme dans chaque vaisseau avant de les acheter, ce qui oblige à de nombreux tests... Un premier problème d'ergonomie, qui est hélas loin d'être un cas isolé. Si passer des heures à optimiser vos petits vaisseaux ne vous enchante guère, alors il est évident qu'Infinite Space n'est pas fait pour vous, et il vaudra mieux s'envoler vers des destinations moins lointaines. Étoiles du destinMais que serait une flotte sans son équipage ? Infinite Space nous donne l'occasion de devenir le Raymond Domenech de l'espace, au sommet de son art.
Il faudra sélectionner au mieux son équipe en plaçant jusqu'à 34 personnages à divers postes, afin d'exploiter au mieux les compétences de chacun. La plupart des personnages disposent en effet d'une ou plusieurs compétences passives qui confèreront des bonus si on les place au poste adéquat : gain de précision, réduction du coût de maintien de la flotte ou bien encore amélioration de l'esquive, les possibilités ne manquent pas pour faire une grosse différence. Quelques rares postes donnent même droit à des compétences actives pour les combats. Hélas, on se confronte ici au deuxième problème majeur d'ergonomie : on ne peut pas voir l'utilité d'un skill et le placement à associer directement sur l'écran de sélection des troupes, il faudra donc effectuer de très nombreux allers-retours avec le menu d'aide du jeu (très bien réalisé au demeurant). Frustrant. On ne s'amusera en revanche pas outre-mesure à tenter d'exploiter différentes compétences d'un personnage selon la situation, puisqu'à chaque passage de niveau, une troupe se développe spécifiquement selon le poste auquel elle est associée. Il faut donc très vite se décider, quitte à devoir effectuer des décisions douloureuses. C'est en tout près de 80 équipiers différents que l'on pourra recruter aux quatre coins de l'univers. Cette vaste quête n'est pas sans rappeler celle des Suikoden, avec beaucoup de dialogues et de nombreux voyages indispensables pour être sur de ne rien rater, à la différence près qu'ici il est impossible d'en récupérer la totalité en une partie. Selon les choix effectués (souvent implicites et transparents) et les embranchements choisis, on n'aura pas les mêmes possibilités de recrutement, ce qui confère une grosse replay value au titre afin de découvrir tous les excellents personnages du titre, possédant des noms aux consonances très russes. Une forme d'hommage à ceux qui ont dominé la conquête spatiale pendant de longues années ? Nombre important oblige, une grande partie d'entre eux ne sera pas très développée, mais on saluera tout même la présence de nombreux dialogues au bar du coin qui permettent d'en savoir un peu plus sur leurs affinités ou leur vision de la situation en cours. De petites tranches de vie qui rendent l'équipage vivant et attachant, même si on eut aimé un peu plus d'intervenants différents. I'm sorry, Commander, but I've learned we can't afford to die here -- not even onceOn a coutume de dire que "dans l'espace, personne ne vous entendra crier". Celui du jeu entendra assurément les joueurs pester devant un début de jeu difficile qui nous laisse à l'abandon, seul, perdu dans l'espace avec un vaisseau ridicule. Alors que le système de jeu (et plus précisément de combat) est vraiment atypique et que le début est plutôt exigeant, Infinite Space est dénué de tutorial, et le mode d'emploi remplit mal son office ; la mort guette à tous les tournants. Heureusement, le jeu n'est pas chien, et on peut sauvegarder plus que régulièrement, à chaque entrée dans un port spatial.
Ce fameux système de combat se présente au premier abord comme un mix entre un ATB à trois barres et un bête pierre/feuille/ciseau, où l'on commande toute la flotte en même temps, les vaisseaux attaquant tous ensemble lorsque l'on en donne l'ordre. Chaque barre remplie donne accès à une action (éviter/attaquer/attaque spéciale) qui domine l'une et est dominée par l'autre. Tout est donc question de bon feeling et de chance. On possède tout de même une légère indication via la couleur qui entoure les vaisseaux ennemis, ce qui atténue légèrement la part d'aléatoire dans notre décision si l'on a bien suivi les différentes évolutions. Mais le bon choix ne suffit pas, il faudra également bien gérer la distance qui nous sépare du vaisseau que l'on vise, car la flotte et chaque arme individuelle possèdent leur propre portée, intelligemment symbolisée par des petites icônes. Il faudra donc constamment gérer les commandes "avancer" et "reculer" afin d'optimiser ses attaques et essayer d'éviter celles ennemies. En plus des commandes de base, on peut lancer l'une des compétences disponibles, lancer des petits vaisseaux pour nous aider comme évoqué précédemment, ou tenter un abordage subtil en bonne et due forme pour écraser l'équipage adverse avec des grosses tatanes. On touche ici encore un gros problème d'ergonomie du jeu : les attaques spéciales ne sont pas indiquées pendant les combats, qui se contentent d'afficher un bête nom générique (Spcl1...). Difficile de s'y retrouver quand on change régulièrement ses vaisseaux et ses troupes. Mais malgré toutes ces bonnes idées, il faut bien concéder que l'on joue au final presque toujours de la même façon les combats standards : "hit and run" au début, lâcher de fighters puis attaque totale sur la fin, il ne faut pas avoir peur de faire des centaines de combats exactement de la même façon pendant cinquante heures de jeu. Ils sont heureusement courts et en conséquence jamais envahissants, alors que les joutes contre les boss sont de leur côté souvent bien épiques et demandent pas mal de concentration. Les combats entre équipages ou au sol présentent eux un simple pierre/feuille/ciseau basique et assez prévisible. Si au départ, on peut avoir du mal, ils deviennent ridicules une fois que l'on a à disposition des modules pour augmenter le nombre de troupes. Objectivement, ils sont totalement ratés, et on aurait pu s'en passer aisément. À coté de ceux du premier Suikoden (qu'ils évoquent immédiatement), ils sont aussi haletants qu'un épisode de Derrick (paix à son âme), c'est dire. À la fin des combats, en plus d'engranger la salutaire et tant prisée expérience, on obtient des points de réputation qui permettent de grimper vers les cimes du classement de la guilde des "Zero-G Dogs", que l'on peut consulter à tout instant. Cette réputation permet non seulement de flatter son égo (qui n'a jamais rêvé de dominer le ciel étoilé ?), mais aussi de recruter certaines unités et d'obtenir des plans pour divers modules ou vaisseaux. Surtout, quel bonheur de découvrir que l'on est enfin entré dans le top 100 galactique et de recevoir des objets à chaque pallier franchi... Mais avant d'en arriver là, croyez moi, il aura fallu envoyer par le fond de nombreux vaisseaux ! Old school... jusqu'aux graphismesInfinite Space est surement l'un des RPG les plus pauvres du support, techniquement parlant. La 3D utilisée lors des explorations et des combats semble tout droit sortir d'un jeu Jaguar, tandis que les artworks accompagnant les dialogues manquent clairement de finesse. Surtout, les différentes attaques sont assez mal rendues, et les animations sont tellement soporifiques qu'on les désactivera bien vite. Et comme si cela ne suffisait pas, le décor unique des donjons en vue subjective est tout simplement affreux et peu travaillé, ne soutenant même pas la comparaison avec Doom premier du nom, tandis que les combats de troupe font passer ceux de Suikoden pour un jeu next gen.
Heureusement, les nombreuses images fixes illustrant les scènes importantes et les quelques scènes cinématiques relèvent le niveau, et la pauvreté générale n'empêche pas une ambiance unique et assez envoutante de se créer, et on finit par faire totalement abstraction... pour peu qu'on ait la force de continuer. Malheureusement, la bande son ne contribue que très peu à cette ambiance, avec des musiques plutôt discrètes et surtout en très faible nombre. En dehors des dernières heures de jeu, on peut en dénombrer six tout au plus. Un travail assez décevant de la part de Masafumi Takada (Contact, Shining Soul II mais surtout Killer7 et No More Heroes). Et comme souvent, les doublages ont été supprimés lors de la localisation, ce qui n'arrange rien... La durée de vie est vraiment conséquente, il faudra près d'une cinquantaine d'heures pour le finir en ligne droite, et c'est sans compter la grosse replay value du soft grâce aux nombreux choix possibles (new game+ à la clé), son mode multi (inutile mais qui peut divertir quelques minutes) ou son mode extra, qui consiste à nettoyer une succession de secteurs en partant de rien pour devenir le number one. Les plus farouches essaieront même de compléter entièrement l'excellente base de données. De quoi occuper de très longues heures. Infinite Space ne semble donc se destiner qu'à une catégorie de joueurs bien précise, et l'assume parfaitement, puisque le jeu n'est disponible qu'en anglais, comme si l'éditeur savait déjà que la nouvelle génération aura forcément plus de mal avec un tel jeu. Atypique, minimaliste et à contre-courant des grosses productions actuelles, Infinite Space divisera assurément les joueurs. Avec sa technique presque digne de Silpheed sur Mega CD, ses affrontements répétitifs, son manque flagrant de musiques et son ergonomie catastrophique, le jeu pourra clairement rebuter. Pourtant, il est le space opera immersif, complet et passionnant que les joueurs attendaient, promettant de très longues heures de bonheur à quiconque arrivera à passer outre les nombreux défauts.
Un très bon RPG à l'ancienne, pour tous ceux qui désirent s'évader vers de lointaines galaxies l'espace de quelques dizaines d'heures...
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