Il arrive qu’au détour des nouvelles plateformes indépendantes émergentes, on tombe sur des jeux certes originaux, mais au potentiel difficilement identifiable. C’est le cas du seul et unique bébé du studio français
Beyond The Pillars :
Winter Voices. Désireuse de procurer au joueur une expérience vidéoludique originale et divertissante, cette joyeuse équipe de développeurs et graphistes a aussi choisi le chemin de la réflexion. C’est ainsi que pour un peu moins de cinq euros, vous partirez dans un long voyage initiatique aux côtés d’une jeune femme dont vous ne savez rien. Ou seulement une chose : son père vient de mourir.
Au menu de ce prologue : le deuil et la fuite. Le départ d’une nouvelle vie.
C'est l'histoire d'un jeu...
Un long voyage s’amorce. Mais pas de la meilleure manière qu’il soit.
Vous incarnez une jeune femme de 24 ans et vivez au sein d’un village perdu en montagne, au nord du Royaume des Trois Rivières. Votre père vient de mourir.
Un point de départ abrupt qui va très vite faire place aux nombreux tourments de votre avatar. Assaillie par de nombreux souvenirs refoulés, notre héroïne va entamer un long voyage intérieur au cours duquel vous l’aiderez à chasser ses propres démons.
Sans réellement répondre à toutes les interrogations que soulève ce premier épisode, Winter Voices pose néanmoins des bases solides quant à la cohérence et la maturité de l’univers. En quelques minutes à peine, on cerne le propos global de ce prologue et vers quoi on tend. L’héroïne va devoir faire le deuil de cette mort et tirer un trait sur cette vie pour le moins douteuse dans ce village de montagne. De grandes envolées lyriques, tantôt pertinentes, tantôt pompeuses, côtoient alors des passages réellement malsains et l’ensemble, basé sur l’écriture et la réflexion personnelle (de l’héroïne et du joueur), arrive à nous happer dans un monde vraiment étrange.
On appréciera alors la qualité de l’écriture des textes. Extrêmement fins, ils arrivent sans mal à soulever moult réflexions et à nous amener sur le chemin des réponses. À condition bien évidemment de ne pas être allergique au phrasé lourd et imagé. Si pas mal d’idées se voient portées à l’image par un changement total d’atmosphère (comme son fameux « rêve »), on lui reprochera tout de même de manquer de finition au niveau de la mise en scène. Souvent trop succincte, on tombe dans le discours continu via des bulles de textes, sans rythme aucun, si ce n’est la musique. Dommage, les propos tenus dans Winter Voices auraient mérité un meilleur traitement global.
...mêlant exploration...
Du côté du gameplay, on se retrouve de manière assez étonnante devant un T-RPG. Deux phases se présentent alors au joueur : les phases d’exploration et les combats.
L’exploration de ce premier volet de Winter Voices se résume en fin de compte à très peu de choses. La seule liberté que vous aurez sera d’explorer ce fameux village de montagne et de discuter avec chaque autochtone. Vous récolterez ainsi pas mal d’expérience suite aux diverses palabres et surtout, vous apprendrez pas mal de choses en relation avec votre père et votre famille.
Le point relativement étonnant et qui choque dès les premières minutes de jeu est qu’aucune interaction n’est possible avec le décor. N’espérez pas trouver la moindre potion dans un feuillu ou un sac-poubelle qui traîne, il n’y a rien. Nos instincts de joueur en prennent alors un coup.
Rabattez-vous simplement sur les discussions et appréciez l’ambiance générale. C’est déjà plus que ce que ne propose le titre.
...combats issus de T-RPG classiques...
Heureusement, à côté de cela, de multiples combats se déclencheront par-ci, par-là, selon la zone que vous traverserez. Souvent liés à vos souvenirs et vos traumatismes, ces derniers sont en fait une sorte de thérapie afin de voir notre héroïne avancer et grandir. Biens amenés et rarement gratuits, les combats apportent autant de fraîcheur que de lourdeur. Voyez plutôt.
Vous vous retrouvez donc de manière très classique au beau milieu d’une joute dont il va falloir se défaire. Celle-ci se déroule directement sur la surface d’exploration que vous venez d’atteindre. Le seul changement réside dans l’apparition d’un damier au sol (déplacements + actions). Mais attention, ici, nous ne dégommons pas des aliens à tour de bras et autres tyrannosaures sortis d’un vortex temporel. Non, ici, on se bat avec nos propres pensées. Aucune arme, aucune attaque.
La seule capacité qui vous est offerte au début et de pouvoir repousser d’une case un « ennemi ».
Loin d’être variés, les objectifs se répéteront jusqu’au bout de l’aventure. Vous retrouverez la sempiternelle « Fuir la zone de combat » en vous rendant sur une case précise ou encore « Restez en vie pendant 10 tours ». Passé cela, seule une poignée de joutes oseront diversifier l’ensemble. Autant vous laisser la surprise.
...customisation...
Bien sûr, vous gagnerez une multitude de compétences au fur et à mesure de votre évolution via un arbre de compétence. À vous les joies des compétences passives afin de réduire les dégâts reçus, des sorts de guérison et autres boucliers en tout genre. Vous développez votre personnage comme bon vous semble. Un seul point par niveau gagné, une seule compétence obtenue en retour.
Les statistiques du personnage peuvent, elles aussi, être customisées selon votre bon vouloir, bien entendu. Humour, volonté, mémoire, perspicacité, charisme et intuition. Chacune influera plus ou moins sur le gameplay et sa difficulté selon ce que vous en ferez.
N’étant que le premier épisode d’une longue série, Avalanche ne vous permettra pas d’aller bien haut à ce niveau. Mais cela reste suffisant pour en comprendre à peu près tous les rouages.
...avec une multitude de bugs...
Classique, non ? Oui, mais…
De nombreux défauts viennent nuire l’expérience générale qui se veut « légère ». Et non des moindres.
Tout d’abord, on lui reprochera le choix de la plateforme de développement. Adobe Air peut faire quelques petits miracles, certes, mais sur un jeu de cette ampleur, une telle machine à gaz provoque moult problèmes que l’on aurait bien aimé ne pas voir.
Durant les combats tout d’abord. Il vous faudra souvent passer et repasser sur les ennemis et divers objets afin de bien voir s’afficher leur zone d’action et d’attaque. Un point vraiment important, mais qui ne cesse jamais de nous faire vociférer derrière notre écran tant cela bug.
Dans le même registre d’idées, vous serez souvent obligé de cliquer à de nombreuses reprises sur un skill pour pouvoir enfin l’enclencher. Ajoutez à cela une certaine latence entre vos clics et la réaction à l’écran et vous comprendrez qu’un joueur avide de réactivité pétera vite un plomb devant son moniteur.
D’autre part, la lenteur générale du jeu aura raison d’un bon nombre d’entre vous. L’héroïne se déplace à la vitesse d’un escargot et aucun moyen de lui botter le derrière. Crispant.
Alors quand en plus on ne nous laisse aucune interaction avec le jeu, que nos actions ne se limitent qu’à déplacer la greluche, à parler aux PNJ et à râler suite à un bug d’affichage, nul doute qu’il va falloir se rabattre sur autre chose pour y trouver un quelconque plaisir.
Terminons enfin sur l’absence de quêtes annexes. Seul un choix au cours de ce prologue vous permettra de faire cinq combats supplémentaires. Cela reste plutôt maigre, n’est-ce pas ?
...mais une OST divine !
Visuellement, nul doute que le titre se démarque de la masse. Ses décors mélangeant neige et bleus turquoise ne laissent pas indifférents. Certes ultra sommaires, manquant cruellement de détails, ces lieux arrivent cependant à fournir la dose d’onirisme nécessaire que l’on recherche. On reprochera cependant la redondance bien trop importante des sprites/personnages/ennemis/textures qui, au final, nous donnent l’impression d’avoir tourné en rond pendant cinq heures.
Et ce ne sont pas les animations catastrophiques qui élèveront le niveau. Pauvres et rigides, on se croirait revenus dans la fin des années 90. Les détails en moins. Et quid de ces limitations de résolutions ? Quid de cette interface archaïque ? Quid des raccourcis clavier quasi absents ? Sans compter les crashs du jeu relativement courants…
On aura beau aimer cet univers, respecter sincèrement les prises de risque dans la narration et les thèmes soulevés, ces défauts ne permettent pas d’apprécier à juste titre le travail des scénaristes. Et c’est bien dommage.
Heureusement, une excellente bande sonore vient gommer une bonne partie du tableau désastreux précité. Car oui, à elle seule, elle arrive à nous faire oublier bon nombre de défauts pour s’immerger réellement dans l’aventure. Mélancolique, oppressante, stridente et même… absente (jouant sur le silence et la reprise), la bande sonore n’aura rarement été aussi à propos. Un véritable tour de force de la part de Balthazar Benadon. Chapeau bas.
Au final, on ne sait plus réellement sur quel pied danser avec Winter Voices: Avalanche. Conquis par les thèmes soulevés, son approche mature et la finesse globale des écrits, on sombre cependant dans la débauche de défauts techniques ternissant considérablement l’expérience de jeu. Il faut donc vraiment choisir son camp avant de se lancer dans l’aventure. Mais qui arrivera à se plonger dans le froid glacial de cet univers découvrira un titre profond, utilisant de manière justifiée un gameplay issu des T-RPG pour conter une histoire de sentiments, une histoire qui nous ramène au plus profond de nous-mêmes. Notre histoire.
17/02/2012
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- Une ambiance unique
- Les thèmes soulevés
- Le traitement global du scénario
- La bande sonore !
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- Techniquement très faible
- Bugs omniprésents
- Durée de vie...
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TECHNIQUE 2/5
BANDE SON 4.5/5
SCENARIO 4/5
DUREE DE VIE 1.5/5
GAMEPLAY 2.5/5
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