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Secret of Evermore
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Secret of EvermoreThis is a video game. Don't you see? We are characters in a video game!
Je ne sais pas si les développeurs de chez Squaresoft America avaient envisagé la déferlante de critiques à laquelle allait faire face Secret of Evermore à sa sortie, mais ils semblaient en tout cas conscients d'être en train de travailler sur un faux Secret of Mana 2, un jeu dans l'erreur dès le début. Evermore fait preuve d'une certaine prise de conscience, et d'un modernisme assez rare, aux antipodes d'un Secret of Mana en vérité pas très mature (mais bien bon quand même). Le soft reprend le fameux menu circulaire introduit par Secret of mana ainsi que son système de coéquipier et son gameplay général, notamment pour la montée de niveaux. Pourtant, Evermore les utilise différemment afin de se construire une identité propre, de la même façon qu'il ne reprend aucun sprite ni décors de Secret of Mana (chose pourtant courante pour les fausses suites voire même parfois les vraies suites faites dans la facilité). Evermore a en effet été développé à partir de zéro. Le jeu semble également conscient de son statut de jeu vidéo à la manière d'un Earthbound (dont Evermore partage le même sens de l'humour), comme l'atteste ce personnage dans la ville de Nobilia qui dit que nous sommes tous dirigés comme des marionnettes par une manette, et s'attache alors à proposer des situations de jeux multiples plutôt qu'un scénario cohérent ou une finition sans faille à la japonaise (le mieux est quand même d'avoir tout ça en même temps mais bon...).
The Secret of EvermoreSecret of Evermore nous met dans la peau d'un jeune garçon amateur de films de série B. Le cinéma semble d'ailleurs être la seule distraction pour les jeunes de Podunk (Pontoise dans la traduction FR), une ville désuette des années 1995. Ils auraient pu l'appeler Rouen, tant il n'y a rien à faire ici non plus. Le héros sort du cinéma avec son chien qui se met en chasse d'un chat de gouttière et emmène le duo dans un laboratoire scientifique secret, aux allures du labo de Dr. Frankenstein. Ce laboratoire abandonné depuis 30 ans avait été le sujet d'expériences surnaturelles dans les années 1960, et une catastrophe avait sévi alors que le scientifique montrait ses nouvelles découvertes au conservateur du musée et sa fille, les envoyant tous les trois dans un nouveau monde appelé Evermore. 30 ans plus tard, le héros de Secret of Evermore se retrouve lui aussi face à la machine défectueuse et est téléporté dans ce nouveau monde peu familier.
Evermore est un monde bloqué dans le temps et chaque partie du continent semble être un souvenir d'une époque historique disparue. Le jeu nous invite alors à voyager à travers un monde préhistorique, l'époque romaine, l'époque gothique, pour finir dans la science fiction pure et dure. La cohérence n'est pas l'atout principal de Secret of Evermore, les liens tissés entre chaque univers sont finalement assez troubles et le jeu semble plus enclin à nous raconter quatre histoires différentes plutôt qu'un tout cohérent à souhait. Le jeu peut alors se permettre de proposer moultes situations de jeu sans être obligé d'adopter une cohérence esthétique ici inexistante. Le scénario n'est pas mauvais en soi, et il aurait pu être traité de façon très intéressante à la manière d'un Persona en mettant en avant le côté "ce n'est peut-être qu'un rêve ?" ainsi que la dualité entre chaque personnage et son double (il y a en effet une constante rivalité entre les personnages de Podunk/Pontoise et leurs doubles présents dans Evermore). Mais il n'en est rien, et le scénario de Secret of Evermore reste constamment en surface et privilégie plutôt les phases de jeu. We are merely sprites that dance at the beck and call of our button-pressing overlord!Car en terme de variété de jeu pur et dur Secret of Evermore est assez hallucinant et a bien peu de concurrents. Le jeu se veut constamment anachronique et propose ainsi un mélange entre les époques et les cultures. Le premier monde dans la préhistoire est relativement sommaire, simpliste, mais montre malgré tout un coté brutal et sans concession bien en accord avec la période qu'il représente. C'est dans ce premier niveau que l'on apprend à maîtriser l'alchimie, le fameux système de magie de Secret of Evermore. Chaque magie est en fait créée par l'addition de deux éléments aux attributs harmonieux, tels que l'eau et la cendre pour la magie Pluie D'acide, et chaque recette nous est délivrée par des PNJ plus ou moins importants, dont certains bien planqués dans les profondeurs des donjons.
On ne peut malheureusement pas créer ses magies de zéro comme dans un Rudora no Hihou même si le système semble s'y prêter, et il faudra attendre d'obtenir une recette pour pouvoir utiliser une magie. Le système de magie en lui-même est bien pensé, mais l'attrait principal de ce mécanisme de jeu réside dans la façon dont on se procure ces éléments naturels indispensables à la création de sorts. Ces éléments sont en effets répartis un peu partout dans l'univers de Evermore et peuvent donc se dégotter à tous les coins des donjons. Le chien sera alors d'une grande aide car celui-ci reniflera les décors pour dénicher le moindre item. Chaque objet (les jarres, les armoires, etc.) sera également susceptible de contenir un élément naturel, ce qui crée une interaction relativement unique avec le décor, car chaque objet est alors suspect. Le joueur devient un véritable habitant de Evermore tant il aura l'impression de pouvoir tout chercher, tout toucher, et surtout trouver des tonnes d'éléments au hasard de son chemin. Il est évidemment possible d'acheter certains éléments de manière plus traditionnelle dans les magasins ce qui, avouons le, casse un peu l'aspect chasse aux trésors de cet ingénieux système. Pourtant, chaque élément découvert dans le décor saura se faire malgré tout salvateur car on se retrouvera souvent au bout du monde bien loin d'un petit village où faire ses emplettes. Dans le décor très fleuri du monde préhistorique, l'aspect chasse aux trésors prend tout son sens tant on a l'impression de pouvoir découvrir un élément naturel utile à l'alchimie à chaque branche d'arbre ou sur chaque ennemi. Ce n'est pourtant qu'à Nobilia, la ville romaine du second monde, que le jeu prend vraiment de la saveur grâce au nombre incroyable de possibilités, de situations variées et de fous rires que propose cet endroit. Il faut d'abord traverser un désert exténuant avant de rejoindre la ville. Ce désert est extrêmement vaste et nous fait perdre 1 hp quasiment à chaque pas, et semble alors pour le coup véritablement fatigant. C'est un lieu majestueux où la sensation d'être seul est présente au moindre pas, d'autant plus que les monstres nous suivent jusqu'à la mort. Mais c'est bien la ville de Nobilia en elle-même qui réserve le plus de surprises, notamment avec son système de troc simulant le système microéconomique romain, totalement facultatif mais pourtant divinement bien réglé. Il est en effet possible de perdre des heures et des heures à échanger des tonnes d'items avec chacun des marchands afin d'espérer obtenir un objet légendaire. La ville de Nobilia est vivante à souhait, les PNJ sont nombreux et vaquent tous à leurs occupations de manière cohérente, et chaque dialogue est une mine d'or d'humour et de situations cocasses. C'est à mon sens à partir de cette ville que le jeu se révèle vraiment et qu'il prend conscience de son statut de jeu vidéo afin d'offrir au joueur des expériences de jeu fascinantes. À partir de ce moment, le jeu perd le coté rustre du monde préhistorique pour nous emmener dans son univers poétique et extrêmement attachant. L'humour prend de façon inattendue le rôle principal et permet à Secret of Evermore de taquiner les conventions du genre, de prendre de l'engagement et surtout de la confiance. En somme, le jeu devient d'un coup extrêmement moderne. Freak ShowLe jeu reprend trait pour trait le gameplay de Secret of Mana. C'était d'ailleurs la condition principale de Squaresoft : faire un Secret of Mana adapté aux marchés américains et européens. On retrouve ainsi le gameplay Action-RPG dynamique à souhait du jeu de Squaresoft, avec le menu en forme d'anneau qui sert à utiliser les items, les magies, et à vérifier ses statuts. Les armes possèdent cette fois-ci seulement trois niveaux différents d'attaques et donc de level up. Chaque arme débute en somme avec le coup classique et le coup "chargé" lorsque la barre arrive à 100 %. À force de taper du gredin il est possible de débloquer une troisième attaque surpuissante, qui diffère selon l'arme (la lance peut par exemple être lancée sur l'ennemi). Cependant, le level up est relativement mal équilibré tant il faudra parfois beaucoup de grind pour espérer atteindre le niveau 3. Les armes ne sont d'ailleurs pas légion, car chaque monde nous propose une arme privilégiée cohérente avec l'époque traversée (l'os dans l'époque préhistorique, etc...).
Si l'alchimie est à la base une idée judicieuse, en pratique son utilité est toute relative tant le système de magie est là encore mal équilibré. Les magies de niveau 1 sont en générale bien faibles et il faudra les monter en niveau à force de level up pour espérer obtenir des effets dévastateurs. Mais voila, puisque les magies sont faibles lorsqu'on les obtient pour la première fois, peu de joueurs auront envie de les utiliser pour les monter en level. On se retrouve alors au final avec deux magies sur lesquelles on compte durant tout le jeu, en ignorant totalement les autres. Outre ce manque d'équilibre qui entache l'expérience de jeu, Secret of Evermore est également un jeu rempli de bugs. Certains sont excellents (le bug du désert, le bug pour courir à l'infini sans fatigue, le bug qui éclaire la "dark forest") et arrivent au bon moment, mais beaucoup empiètent sur le gameplay général comme le bug qui reset les level up des armes, celui qui mélange les statistiques du personnages, ou pire encore, celui qui bloque le jeu et fait perdre à jamais sa partie. Le jeu a été terminé dans la panique et cela se ressent (le dernier monde est qui plus est assez raté). Il manque des sessions de beta test, et il faudra attendre les années "émulation" pour que des petits malins créent des hacks qui enlèvent les bugs et rééquilibrent le système de level up. The Lost VikingsL'une des plus grosses critiques souvent adressée à Secret of Evermore est son manque de mode deux joueurs. Le jeu se déroule en effet comme un jeu multijoueurs typique puisque deux personnages sont constamment présents sur l'écran : le héros et son chien. Un mode deux joueurs à la Secret of Mana semblait alors tout naturel. Les développeurs ont avoué que c'était bel et bien prévu mais comme la cartouche de 24 mbits était déjà bourrée à craquer, le mode deux joueurs a été évincé.
Étrangement, cette omission profite en quelque sorte à Secret of Evermore et instaure un gameplay typé The Lost Vikings, où la coopération entre les personnages se fait en switchant de l'un à l'autre, et qui ne peut fonctionner qu'en mode solo étant donné que certains passages nécessitent de garder un personnage en dehors de l'écran pendant que l'on dirige son comparse. Si certains passages de Secret of Evermore nécessitent obligatoirement de switcher d'un personnage à l'autre, beaucoup plus de passages renferment des puzzles qui nécessitent une coopération réfléchie afin d'être résolus de façon optimale, mais que l'on peut aussi résoudre avec un seul personnage. Les divers super play et autres speed run réalisés sur Secret of Evermore font d'ailleurs montre d'une maîtrise hallucinante de ce système de coopération. De plus, un autre facteur influe sur la préférence du mode solo : l'autre personnage est un chien. Son rôle est alors de suivre les ordres du joueur, un peu à son bon vouloir (ça reste une bête !). Le chien apporte une nouvelle dimension au jeu. De plus, l'animal n'étant pas programmé avec les pieds comme les coéquipiers dans Secret of Mana, il ne se retrouvera pas bloqué contre n'importe quel mur. Cependant, un hack de la rom qui permet de jouer à deux existe, et il paraît que c'est bien aussi. Jeremy m'a souléSecret of Evermore offre un sacré dépaysement de par ses graphismes somptueux et l'utilisation de sa bande son. Si le jeu parait à première vue plus fade et surtout moins mignon ou coloré que ses alternatives nippones (Secret of Mana, Seiken Densetsu 3), l'atmosphère plus occidentale qui ressort de Secret of Evermore est quand même une réussite. Les décors usent toujours de la bonne palette de couleurs afin d'atteindre leur but, tant et si bien que le monde préhistorique parait véritablement sombre, fourni et inhospitalier (on traverse la forêt amazonienne, des marais, un volcan, etc...) alors que Gothica, le monde gothique, affiche des couleurs d'un kitsch absolu presque nauséabond, mais réellement cohérent avec les situations de ce niveau. Les décors sont incroyablement vastes et variés. Cela joue également sur les donjons, tous excellents, qui demandent une véritable attention tant les environnements sont labyrinthiques et compacts. En effet, même si les donjons sont séparés en écrans comme dans tous les RPG, ceux de Secret of Evermore font montre d'une grande unité et semblent réellement représenter un tout, et non pas plusieurs écrans séparés. Chaque donjon propose en plus ses petites énigmes qui mettent en avant le côté stratégique de la coopération, d'une façon agréable et toujours bien pensée. Seuls les characters et monsters design sont en deçà des habitudes japonaises. L'influence occidentale est omniprésente. Les personnages ont un design banal souvent mal adapté en sprite (bien que parfois plaisant en artwork) et les ennemis de base manquent d'originalité et suivent souvent les canons de la fantasy européenne. Seuls les boss (toujours excellents à combattre) remontent le niveau sans pour autant atteindre la qualité des boss de chez Squaresoft jp.
La musique a été confiée à Jeremy Soule, alors encore inconnu, qui a dû se battre avec les limitations techniques et surtout les limitations de compression dues à la taille de la cartouche, déjà remplie à fond. Soule a alors fait le choix de créer une musique d'ambiance, souvent effacée, qui laisse parfois la place au silence. En somme, nous avons peu de mélodies marquantes à la Squaresoft jp, mais une véritable atmosphère totalement cohérente avec l'aspect graphique. Soule a également pris en charge la partie effets sonores et a fait le choix de faire de chaque bruitage les véritables notes de sa partition. Le monde apparaît alors extrêmement vivant, et chaque époque se distingue autant par ses graphismes que par ses effets sonores, tels que le craquement du feuillage, le bruit des insectes ou encore le vent dans le désert. Secret of Evermore est une réussite. C'est un jeu moderne qui a confiance en ses mécanismes de jeu, et bien que la mise en œuvre soit parfois bancale, le jeu fonctionne extrêmement bien. Son plus gros défaut reste son charme particulier, très à l'américaine, qui ne plaira pas à tout le monde. Son univers incohérent et son système de level up laborieux peuvent également gêner l'expérience de jeu. Il s'agit malgré tout d'un excellent Action-RPG au gameplay typé Secret of Mana et à l'ambiance visuelle et musicale réellement somptueuse. Le jeu se veut parfois difficile, avec des donjons longs et épuisants, et profite d'une très bonne durée de vie pour le genre (30 heures pour une première partie), d'autant plus que le jeu est extrêmement varié à la fois au niveau des mondes traversés qu'au niveau des situations de jeu.
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