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Child of Light
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Child of LightMélancolique modestie
Le songe, l’insouciance et la cruauté d’un monde qu’on ne peut apprivoiser s’entremêlent et se percutent dans nos souvenirs d’enfance. Devenu adulte, l’abstraction et la procuration deviennent les seuls moyens qu’il nous reste pour leur donner un sens. On tente de reconstituer le puzzle des prémices de nos vies. Seulement les pièces sont semées au vent, dans des espaces désormais inatteignables. Les seules que l’on trouve sont cassées, déformées, dénaturées par le temps. Child of Light vous embarque dans la quête de vos origines perdues.
Buvards et saisonsL’encre file, dessine les contours des vallées verdoyantes et des plaines désertiques, tachète les buvards trempés dans le bleu des flots, se répand dans la nuée crémeuse du ciel. La mélodie porte les arômes de l’aventure. Une note au piano, on commence, lentement, on s’immerge dans le songe. Puis la flûte superpose son déhanché rythmé et langoureux, apporte la gaieté. Tout à coup les autres instruments s’invitent, comme attirés par la douceur de l'hymne. Ils dansent autour du feu, se racontent des histoires, parlent du bon vieux temps. Finalement les flammes taisent leurs crépitements tandis que la nuit déploie son ombre menaçante. Les saisons s’absentent alors, chassées par le froid ténébreux. La mélancolie laisse place à l’effroyable. Dans le monde de Lemuria conquit par le crépuscule, une jeune fille s’éveille pourtant, princesse en son temps, Aurora de son prénom. Elle manie le vers comme l’épée, sa tignasse rouge grenat au vent. Après avoir perdu contact avec son monde, elle cherche le moyen d’y retourner. Pour cela elle sillonnera les contrées, s’accointera des bourgades locales et ralliera à sa cause quelques amis fidèles. Vents et marées sont le moindre de ses soucis lorsqu’elle doit affronter le mal incarné. Chemin faisant, elle s’entichera d’un géant de pierre, défiera la gravité et pourfendra pour récupérer ses terres. Du plus élevé des pics au plus bas des tréfonds, sa seule résolution est de revoir son père. Par-delà les donjons obscurs et arrogants nichés de corbeaux qui se dressent au-dessus des monts les plus hauts, elle visitera les abimes du monde ornées de cristaux et scintillantes comme le diamant. Child of Light nous fait naviguer dans son monde halluciné où le lisse du conte de fées côtoie les errances abattues et nostalgiques d’un drame fantaisiste ; à mi-chemin entre la nostalgie du merveilleux et le récit d’épopée. Car épique, Child of Light l’est certainement en de rares instants. Cependant l’héroïsme dont il nous parle n’est pas celui d’Achille ou d’Hercule. Il dépeint plutôt la bravoure simple, modeste, celle du quotidien : désintéressée et pure comme l'eau de roche. Tressé avec passionEnrobé dans ses mélodies berçantes de fileuse (Cœur de Pirate), comme tricotées, maillées par les instruments au fil de l’écoute, Child of Light nous dépose délicatement dans son univers imprégné d’un onirisme au pinceau. Chaque écran est une toile sur laquelle vient se déverser la lumière. Et les éléments du décor, comme mus par une volonté propre, décident des teintes qu’ils arborent. Tout en contraste, en subtiles dissonances de lueurs, les tableaux s’offrent à nous, tantôt pétillants, tantôt meurtris. L’orchestre vient alors souligner les transitions et le changement d’atmosphère avec volupté.
Les villages se prêtent aux ambiances les plus délicates. Les peuplades tout droit sortis d’albums pour enfants rappellent à notre bon souvenir l’avarice des rongeurs et l’amabilité légendaire des nains. Cliché, Child of Light l’est à n’en plus finir. Mais cette tendresse dans le trait, cette générosité dans l’animation subliment la tradition ancestrale du conte. Patrick Plourde, directeur créatif, est parvenu à marier la bonté naïve et le charme du trait dépouillé d’un Ernest et Celestine, à des arrières plans riches et singuliers à la Vanillaware qui narrent mille et une histoires. D’histoire d’ailleurs, celle de Child of Light est confuse. Les dialogues sous forme de poème ne se prêtent guère à l’exercice de la narration, mais remplissent cependant parfaitement l’objectif d’immersion totale dans le bain du merveilleux. Peu importe néanmoins, le récit n’est qu’un vaste prétexte à la mise en forme d’une odyssée enchanteresse aux fragrances d’amitié, de courage et de prise de responsabilités. On pourra d’ailleurs sans problème retrouver un morceau de la Nausicaa de Miyazaki dans Aurora. Toutes deux princesses, elles se voient confrontées au déclin de leur père et doivent alors initier le processus initiatique qui les prépare à la succession. De même, toutes deux font face à un mal endémique, essentiel, qu’il faudra endiguer à la racine. Child of Light nous met ainsi aux commandes d’un personnage féminin (c’est assez rare pour le noter) prêt à en découdre, aventureux et téméraire. Rafraichissant. Le C-RPG à la UbisoftAurora est cependant au départ une petite fille assez banale, et ne grandira qu’à travers certaines épreuves. La première d’entre elles est sa rencontre avec une luciole dans les bois qui jouxtent l’autel où elle s’est réveillée, perdue. Igniculus de son prénom, cette bestiole est un élément clé du gameplay de Child of Light, lequel s’amuse sur les jeux d’ombres et lumières. Avec son déplacement en side-scrolling en vue de coupe à la Muramasa, Child of Light propose un panel assez large d’interactions avec l’environnement.
Tandis qu’Aurora sera dotée d’ailes et déplacée à l’aide du stick gauche, le droit servira à mouvoir Igniculus afin qu’il balaie l’écran en quête de bouton à actionner ou de coffre à ouvrir. Ce gameplay à deux voies avec la distinction entre l’avatar physique dont le mouvement déplace la caméra et la luciole qui sert principalement d’outil de résolution d’énigme, ressemble à ce que donnait Super Mario Galaxy avec le pointage de la Wiimote. En plus de dynamiser l’exploration, cette mécanique exige une certaine complémentarité dans l’exécution qui dépoussière un peu les schémas classiques. De plus, regorgeant d’endroits plus ou moins cachés à découvrir et de butins à amasser, Child of Light n’est pas avare en récompenses et laisse rarement le joueur en mal d’exploration. Surtout lorsqu’il s’agit de découvrir chaque détail des magnifiques peintures qui s’exhibent dans le fond. Dynamiques, les affrontements le sont aussi. Sans rien révolutionner du RPG au tour par tour, le titre d’Ubisoft propose tout de même un système de queue fort bien achalandé. Sans exiger du joueur une précision de diable, la mécanique exige de positionner ses sorts et attaques à temps de chargement variables en fonction des tours ennemis, afin de les caler à temps pour interrompre l’adversaire. Ce dispositif impose quelques temps de réflexion, d’autant que l’on dispose d’un panel plutôt conséquent de personnages, et donc de possibilités, avec lesquels intervertir en combat. Dans le même temps, Igniculus la luciole permettra de ralentir les opposants. Une note pas désagréable dans le sens où cela amène un peu de densité et de dextérité dans la pratique ; notamment lors de combats de boss survoltés par une piste aussi puissante que Mitsuda sous son meilleur jour. Du reste, la personnalisation est somme toute très standard, quoique honnête, puisque l’évolution de vos personnages passera par des arbres de compétence complets et du craft assez banal. Child of Light est une petite perle de mélancolie, un joyau modeste aux multiples teintes. Il est la preuve que du simple encrier et de la palette peut foisonner un imaginaire débordant, une esthétique souple et rêveuse. Véritable ode au conte, Child of Light n’en oublie pas moins d’être un jeu. Sa pratique marie à la perfection exploration et contemplation, divertissement et leçon de vie. Sa barque d'influences merveilleuses nous fait voguer sur un océan de mirages, puise dans notre subconscient pour raviver nos passions enfantines. Tout en douceur il nous accompagne, avec délicatesse nous prend dans ses bras tièdes et duveteux. Puis il entonne sa berceuse, d’une voix suave et paisible. On se sent bien.
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