04/09/2018
(en Français)
Site officiel
Editeur : Square Enix Disponible uniquement en dématérialisé
Dragon Quest XI : Les Combattants de la Destinée
> Articles > Review
Dragon Quest XI : Les Combattants de la Destinée
Back In Time
On ne présente évidement plus Dragon Quest, série emblématique et complètement culte du RPG japonais s'il en est, qui intronisera définitivement le genre dans son pays d'origine à défaut de l'avoir initié. Et à l'occasion des 30 ans depuis sa création en 1986, cet opus anniversaire se devait de revenir aux bases de ce qui en ont fait le succès, après les errements multijoueurs et online des 9e et 10e épisodes. Le trio Horii, Sugiyama, et Toriyama reprend donc du service pour ce 11e volet tant attendu, qui replace enfin la série dans son contexte d'origine, à savoir un RPG entièrement solo et sur console de salon de surcroît, 14 ans après Dragon Quest VIII.
Hero Quest
S'il est bien une constante immuable dans la série, c'est bien d'incarner à elle seule une certaine tradition du jeu de rôle nippon, un classicisme assumé dans ses rouages et ses valeurs. Car malgré les tentatives modernes des derniers épisodes, Dragon Quest reste tout de même bel et bien fidèle à l'archaïsme décomplexé qui a fait sa force au fil des années. C'est donc dans cet optique que vont se dessiner les grandes lignes de cet opus, des mécaniques de gameplay jusqu'à la progression dans le jeu, mais aussi par son univers et son scénario. Ce dernier étant par ailleurs parfaitement symptomatique de ce conformisme exacerbé, avec une histoire simple et manichéenne, en hommage évidemment aux plus anciens épisodes.
Enfant orphelin rescapé du massacre d'un royaume entier et élevé dans un petit village reculé, vous ignorez alors tout de votre passé et la vie s'écoule paisiblement jusqu'à vos 16 ans, jour où vous comprenez votre statut d'élu promis à lutter contre les Ténèbres qui s'apprêtent à s'abattre sur le Monde. Voilà. N'attendez pas plus de l'intrigue, elle gardera cet axe tout au long du jeu, sans vraiment surprendre le joueur de quelque façon que ce soit, quitte à faire sourire parfois. Une narration à contre-courant radical par rapport à la tendance actuelle plus propice à des histoires complexes ou originales, mais finalement en accord complet avec la volonté des créateurs de proposer une expérience jouant sur la corde sensible de la nostalgie.
Mais c'est à mon sens le principal problème de ce volet, car à force de vouloir plaire à tous les publics, l'intrigue ne passionnera guère les joueurs avertis pourtant habitués à cette licence. Et il en sera de même en ce qui concerne les personnages de votre équipe, pas foncièrement inintéressants en soi, mais malheureusement un peu trop lisses et sans relief pour la plupart. Forcément, les premières heures de jeu s'en trouvent donc quelque peu affectées, espérant qu'à tout moment ce postulat de départ parfaitement convenu cache en vérité une histoire beaucoup plus profonde ou au moins un peu plus palpitante que l'éternelle lutte du Bien contre le Mal. Car même si la série n'a jamais particulièrement brillé à ce niveau là, il faut tout de même reconnaître que certains épisodes tentaient au moins de proposer quelques timides audaces dans leurs intrigues.
Echoes From The Past
Et puis, le temps passe, le compteur défile et, peu à peu, la magie opère en prenant le pas sur cet aspect certes naïf et désuet mais finalement sympathique, pour finalement laisser place à ce qui fait la force des Dragon Quest : l'aventure avec un grand A. Et force est de constater qu'en terme d'univers à disposition, Square Enix ne s'est pas foutu de nous. Le monde est vaste, franchement beau, et riche en petites zones accessibles sur le tard en explorant la carte. Le cycle jour nuit répond toujours présent, ainsi que les montures à disposition, à ceci près que la variété sera cette fois de mise avec des créatures volantes ou grimpantes permettant l'accession exclusive de différents zones. On note d'ailleurs un net agrandissement des régions visitées, plus vastes que d'habitude, mais fort heureusement sans tomber dans l'exagération inutile d'un Tales of Zestiria.
Et bien entendu des quêtes annexes sont également disponibles pour se changer les idées et faire durer le plaisir, bien que sur ce coup-là, un effort aurait quand même pu être fait au vu du peu d'intérêt de ces dernières. En effet, la grande majorité d'entre elles ne se contentera que de vous demander d'aller chercher telle fleur à tel endroit, où d'aller tuer tel monstre dans telle caverne. On a quand même connu plus imaginatif. Évidemment, il est toujours possible de créer de l'équipement ou d'améliorer le vôtre, par le biais d'une petite forge magique disponible dans différents feux de camp disséminés çà et là. Rien de bien révolutionnaire me direz-vous, sauf qu'ici vous devrez martelez vous-même le marteau sur l'enclume, au risque de rater votre future création. Bien entendu, il sera nécessaire de posséder les formules adéquates ainsi que les bons matériaux avant de pouvoir faire quoi que ce soit.
En ce qui concerne le système de jeu, on retrouve avec bonheur le bon vieux tour par tour qui a fait ses preuves, avec l'abandon depuis Dragon Quest IX des combats aléatoires, les ennemis étant désormais visibles sur la carte. Rien de notable à ce niveau-là, le tout demeurant très classique, à ceci près qu'il est maintenant possible de se déplacer durant l'affrontement. Mis à part cette nouveauté vraiment dispensable, les personnages peuvent rentrer en "Zone", c'est dire dans un état propice à de supers attaques dévastatrices ou de différents sorts de zone, seul ou à plusieurs. Débloquées avec le temps et l'expérience, celles-ci sont relativement variées et donnent lieu à belles petites séquences où nos héros prennent la pose avant de balancer la sauce. Elles ne sont d'ailleurs pas les seules aptitudes à pouvoir être gagnées par vos compagnons de route, car le jeu propose un tableau de compétences propre à chacun des personnages à acheter grâce aux points de "skills" engrangés lors d'un level up. Le panel de capacités à disposition pour tous vos alliés est donc très large et permet d'offrir une équipe particulièrement variée en attaque ou en défense.
To Wander, To Seek And To Find
Finalement, le meilleur atout de ce Dragon Quest XI reste incontestablement le charme irrésistible de son univers, incroyablement vivant et accrocheur. Car outre la variété des paysages et les nombreux moyens de transports pour les découvrir, ainsi que l'importante diversité des ennemis rencontrés, le jeu fourmille de choses à faire. Entre les nombreuses quêtes secondaires pour débloquer de nouvelles armes ou formules, la traditionnelle chasse aux petites médailles échangeables contre divers récompenses ou encore l'éternel casino, il y a vraiment de quoi faire. L'exploration du monde, très dirigiste durant une grande partie de l'aventure mais devenant évidemment beaucoup plus libre à partir d'un certain point, est particulièrement plaisante et chronophage.
La durée du soft est à cet égard vraiment conséquente, puisque la quête principale à elle seule occupera bien entre 60 et 70 heures de votre temps, malgré une tendance marquée au recyclage des donjons et des ennemis un peu décevante dans la dernière ligne droite. Sans compter qu'une fois la vraie fin visionnée, Square Enix offre au joueur la possibilité de débloquer gratuitement le tout premier jeu de la série via le PSN. Épisode anniversaire oblige, pour que tous puissent profiter de ce nouvel opus, vieux nostalgiques ou petits nouveaux, la difficulté s'en trouve évidemment calibrée pour le grand public. Très graduel et accessible, ce Dragon Quest XI ne posera probablement pas vraiment de problème au joueur de RPG aguerri, sauf peut-être vers la toute fin de l'aventure, avec un ou deux combats un peu plus corsés.
Un dernier mot pour terminer sur une note un peu moins positive, en ce qui concerne l'ambiance sonore à mon sens particulièrement décevante. Que le jeu ne possède aucun doublage n'est ni une surprise ni une déception puisqu'il s'agit là d'une constante dans la série, et qui à mon sens ne gêne en rien, mais que l'OST soit aussi pauvre et peu inspirée en est une autre. Que les choses soient claires, je n'ai jamais vraiment été sensible aux compositions de Sugiyama Kôichi mais elles font partie intégrantes de l'univers Dragon Quest et ne m'ont jamais dérangé outre mesure. Le problème ici, c'est que par delà son instrumentalisation synthétique habituelle, les pistes ne collent que rarement aux situations pour lesquelles elles sont jouées et ne sont tout simplement pas vraiment inoubliables pour être tout à fait honnête.
Malgré un scénario sous forme d'hommage à la série cousu de fil blanc ainsi qu'une OST franchement décevante, ce nouvel épisode honore tout de même son contrat et fête dignement les 30 ans de la série. Techniquement très réussi, riche, long et complet, le jeu fait également montre d'une bien belle plastique avec de superbes environnements et animations, retranscrivant à merveille le coup de crayon de Toriyama. Sans parvenir à égaler l'excellence du 8e épisode dont il est visuellement et contextuellement le plus proche, Dragon Quest XI propose malgré tout une très belle expérience et un irrésistible appel à l'aventure comme seule la série en à le secret, en d'autres termes un bon gros RPG japonais à l'ancienne qui fait un bien fou.