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Shenmue III
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Shenmue IIIHe shall appear from a far eastern land across the sea...
Dix-huit longues années d'attente. On peut dire que rares sont les jeux qui se sont fait autant désirer. Après l'échec commercial des deux premiers opus et la fin de Sega sur le marché des consoles, nous avions tous fait le deuil d'une série exceptionnelle mais bien trop ambitieuse pour être achevée. En 2015 pourtant, le reboot de la série est annoncé, grâce à la plateforme de crowdfunding Kickstarter, et au soutien moral (et économique) de Sony. Aujourd'hui, l'aventure continue et nous propose de replonger en larmes dans cette bassine pleine de nostalgie, d'exotisme et d'espoirs avortés. Mais la température de l'eau sera-t-elle au goût de tout le monde ? Vétérans VS Jeunes premiersL'engouement lors de l'annonce du jeu à l'E3 en 2015 peut étonner, au vu du nombre restreint de gens qui ont joué aux premiers volets sur Dreamcast à leur sortie. Shenmue a fait du chemin dans l'imaginaire collectif. Dix-huit ans, c'est long, les joueurs sont devenus des grands frères puis des papas qui ont su cultiver le mythe et le diffuser dans leur entourage ou auprès de leur descendance. Le public qui s’apprête à accueillir Shenmue 3 rêve de vivre enfin un âge d'or qu'il n'a jamais connu, c’était enfin l'occasion pour Yu Suzuki de faire de Shenmue une vraie licence à succès ! Mais Dieu sait que Mister Suzuki n'est pas prêt de vendre son âme au diable. Entêté comme il faut, le bonhomme décide de nous pondre une suite tout à fait identique graphiquement, sonorement et gameplayement aux opus Dreamcast. Deux clans apparaitront alors : les partisans du classicisme, impatients de continuer l'aventure, et ceux déçus, qui finiront par réclamer le remboursement de leur contribution Kickstarter.
En tant que RPGiste (et opposant à la théorie évolutionniste), nous prendrons ici le parti que Yu Suzuki a fait le bon choix, et évaluerons le soft uniquement à la lumière des deux premiers épisodes, en abandonnant complétement l’idée selon laquelle Shenmue 3 serait un jeu dépassé. Le retour de ShenmueRyo est enfin de retour ! Le scénario reprend exactement où il s’était arrêté dix-huit ans plus tôt, au fin fond de la Chine, en 1987. Notre héros, un japonais bien droit comme il faut, essaye de découvrir ce qui se cache derrière l'assassinat de son père, quelques mois auparavant, dans la ville de Yokosuka au Japon. Son enquête le mène à Hong-kong, puis dans la campagne chinoise, où il fera la rencontre de la jeune Shenhua, emblème de la féminité asiatique, réservée, douce, et attentionnée. De quoi émouvoir n'importe quel Otaku de la bonne époque. La modélisation de Shenhua et de Ryo est plutôt réussie dans ce 3e Shenmue, et j'avoue avoir été charmé lors de quelques tendres scènes de dialogue entre les deux protagonistes. On retrouvera également d'autres personnages clés de la série, eux également bien préservés. Deux ou trois nouveaux venus s’intègrent également bien à l’équipe. La musique typiquement chinoise, passe bien, mais manque souvent d'inspiration et de profondeur, mis à part lorsqu'elle reprend les thèmes chers à la série.
Le déroulement du scénario, même s'il reste intéressant, est par contre loin d’égaler Shenmue 1 et surtout le 2, qui avaient fait très fort en leur temps, en terme de mise en scène et d’équilibre exploration / narration. Ici tout le contenu scénaristique est à peu près contenu dans les deux premières et dernières heures du soft. Le reste est la plupart du temps prétexte à faire augmenter la force et les techniques de Ryo. Il est dommage de voir apparaitre de nouveaux personnages, bien modélisés et intéressants, seulement à la fin de l'aventure, pour ne leur faire dire que quelques phrases.
Une chose qui était aussi impressionnante dans les précédents épisodes était cette manière qu'avaient les situations de vous tomber dessus quand vous ne vous y attendiez pas. Un vol dans la rue alors que vous étiez en pleine sous-quête, des loubards qui vous attaquaient au coin d'une rue, etc… Ici tout est parfaitement scripté et rien de spécial n'arrivera à Ryo s'il n'avait pas prévu de le faire. Grosse déception sur ce point qui était à mon avis une grande force de la série.
Le doublage japonais est quant à lui exemplaire (je n'ai pas essayé le jeu en anglais), mais la traduction française plus que vaseuse. Je ne suis pas difficile sur ce point, mais traduire des affirmatives par des négatives pose tout de même un sacré problème pour suivre le scénario. full reactive eyes entertainmentShenmue 3 propose de retrouver le gameplay intelligent et ouvert qui faisait la grande originalité des épisodes précédents. Tout au long de l'aventure, nous suivons les déambulations de Ryo dans des villages de la chine traditionnelle. On pourra pécher, jouer à des jeux plus ou moins utiles, faire des collections, combattre, résoudre des quêtes, tout cela dans un univers vivant, dans lequel chaque PNJ a sa place, travaille, dort, s'amuse. Dans ce système dit full reactive eyes entertainment, l'Active-time, qui consiste à appuyer avec un bon timing sur les touches indiquées, a une place considérable. Tous ces éléments s'agencent plutôt bien dans Shenmue 3, et en font un jeu varié dans lequel on ne s'ennuie jamais. On peut même dire que ce troisième volet apporte des nouveautés bienvenues, comme le renforcement du côté RPG, en misant sur les entrainements et les montées en niveau ou, c'est un détail, la possibilité enfin de changer les habits de notre héros qui n'est donc plus obligé de dormir avec sa veste en cuir ! Les petits jeux de pêche sont également une première dans la série, et s'intègrent bien au jeu. plus half que fullShenmue 3 souffre néanmoins, dans presque tous les domaines ci-dessus de la comparaison avec les précédents épisodes.
Le plus décevant d'abord : les combats. Sur Dreamcast, nous avions affaire à un système proche d'un Virtua Fighter, simple, efficace, et qui envoyait surtout visuellement lorsque des combinaisons de coups étaient parfaitement réalisées. Ici, c'est la grande pataugeoire. On appuie sur tous les boutons pour sortir des trucs mal coordonnés et pas du tout fluides, ni visuellement intéressants. Aucune stratégie réelle ne peut être mise en place et seule la montée bête et méchante en niveaux permettra de battre aisément les ennemis. C'est vraiment dommage sachant que Shenmue est une aventure qui met les arts martiaux au centre de l'intrigue.
Ensuite, l'Active-time. Un moyen dynamique et immersif de suivre le scenario. À condition que le jeu laisse le temps au joueur d'appuyer sur les touches ! Sur l'ensemble des scènes Active-timées, il ne m'est pas arrivé UNE SEULE FOIS de réussir à presser la bonne touche à temps lors du premier essai. C'est tout de même incroyable. Et on a souvent l'impression, entre ça et les combats tout mous, que Ryo est vraiment un gros nul.
Un petit mot sur la météo aussi. C'est très bien de faire alterner pluie et soleil, mais cela n'a aucun sens si le jeu ne réagit pas en conséquence. Dans Shenmue 1, les gens sortaient leur parapluie, on pouvait entendre le bruit des pas dans la neige. Ça, c’était du travail de pro. Ici, Ryo sort sans broncher, sous la pluie, avec un manuscrit vieux de plusieurs centaines d’années, confiant à son interlocuteur qu'il faut y faire très attention. C'est parfois surréaliste.
Le comportement des PNJ le jour et la nuit, le passage du temps, l'architecture des lieux, sont autant de points également bien en dessous de la barre fixée par les deux premiers Shenmue.
Finalement, un des grand charmes de la série qu’était la sponsorisation SEGA, est complétement absente ici. Les figurines à collectionner n'ont aucun intérêt, tout comme les jeux dans les salles d'arcade. Seuls quelques posters nous rappellent le bon vieux temps. On aurait pu espérer que les développeurs travaillent plus en collaboration avec Sony pour donner un peu de cachet au jeu. Gagner des portes clés PlayStation, ou des figurines Crash Bandicoot, jouer à Tekken dans les salles d'arcade, etc. Kicstarter stylePour parachever tout ça, il faut mentionner la gangrène Kickstarter, pseudo fan-service, qui parcourt un grand nombre de productions passées par le crowdfunding. Shenmue 3 n'y échappe pas. Il va même beaucoup trop loin dans le processus et nous sort constamment du rêve pour nous rappeler que nous ne sommes que dans un jeu à petit budget. On peut ainsi citer :
- Un bâtiment entier, modélisé dans le jeu, consacré uniquement à la "sauvegarde de la série Shenmue". Avec des posters, des figurines des photos de fans et plein d'autres trucs qui nous rappellent que nous sommes dans un jeu de fans pour les fans.
Des petits mots de remerciement partout dans l’hôtel, "merci pour Shenmue", "on est tous potes", "on se serre les coudes", "on est une super communauté".
Des ennemis barbus et bedonnants, sur le modèle de quelques sponsors inconnus, à affronter dans le dernier palais, une place normalement complétement hermétique à toute présence étrangère, pour nous rappeler encore ici que nous ne sommes là grâce à eux. Merci pour vos dollars !
Et puis toutes les promesses Kickstarter à la noix (mini jeux par milliers, succès à déverrouiller), qui nous obligent à supporter la présence de centaines de places de jeu, d'arcade et de paris dans des villages perdus au fin fond de la Chine. Un peu de modération et de cohérence aurait été bienvenus. Pour conclure, il faut dire donc que Shenmue 3 est très très loin d'arriver au niveau de ce qu’était la série sur Dreamcast, sur à peu près tous les points. Mais on lui pardonne, parce qu'il nous permet enfin de reprendre l'aventure dans de bonnes conditions, et qu’il conserve l'essence de Shenmue. Tout le monde sait que le budget a été serré, mais il faut rester sévère sur des points qui auraient pu être meilleurs sans coûter forcement plus cher : éviter la Kickstarter-touch, faire un jeu plus modeste, plus petit, avec moins d'effets visuels et physiques, mais peut-être mieux maitrisés, un Active-time moins rigide et un retour du système classique de combat. Bon courage pour la suite !
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