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Akiba's Beat
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Akiba's BeatAkiba, c'était mieux avant
Modeste studio de développement du pays du soleil, Acquire fait parti de ces studios qui trace tranquillement sa route bien loin des frasques et des paillettes. Ce qui ne l'empêche pas pour tant de lâcher de temps en temps des titres qui marquent : Tenchu, Way of the Samurai et Akiba's Trip, ce sont eux. Ce qu'on ne sait pas en revanche, c'est qu'il existe deux Acquire : celui qui touche au RPG, et celui qui n'y touche pas. Et autant le second s'en sort plus ou moins bien, autant le premier peine à rencontrer le succès car c'est jamais très jojo autant dans un rôle de publication que de développement ; pour tout dire, leur seul succès RPGesque à ce jour est un certain Octopath Traveler, en partie chapeauté par Square Enix. En lisant cette phrase vous vous doutez donc que cette review ne vas pas jeter de fleurs à Akiba's Beat, sorti fin décembre 2016 au Japon et courant mai 2017 en occident grâce à XSEED. Mais est-ce pour autant que tout est à jeter ? Voyons voir ça.
Le jour de la marmotteTemple nippon de la culture geek avec ses magasins d'électroniques, ses bars à soubrettes et ses magasins de japanime à chaque coin de rue, Akihabara est l'oasis de moult japonais qui aiment venir s'y balader que ce soit le temps de quelques minutes ou quelques heures. Mais pour un NEET comme Asahi, Akihabara est carrément un mode de vie : il respire, mange et dort Akihabara, chacune de ses journées se résumant à profiter de ce que peut offrir le district. Notamment le samedi ou il est en effervescence. Mais ce samedi-ci va être un peu particulier, à cause d'une rencontre avec une fille du nom de Saki, autoproclamée chasseuse d'illusions. Selon elle, les rêves et désirs des habitants d'Akihabara se manifestent dans la réalité, et il est de son devoir de les éliminer "à la source" avant qu'elles n'altèrent le monde réel. Rien que ça. Pour ça, rien de plus simple : il faut dénicher l'entrée d'une DesilusionScape, dimension parallèle dont l'apparence va refléter les désirs d'un individu, en trouver l'incarnation et la détruire. Le temps de poser un énième lapin à un ami avec lequel il avait rendez-vous, Asahi est entraîné malgré lui dans le délire de Saki, et il s’aperçoit très vite qu'elle est tout sauf foldingue ; mettre soi-même les pieds dans un DesilusionScape, en découdre avec les locaux et massacrer le propriétaire des lieux avant de se faire soi même massacrer, ça aide à convaincre. Affaire close ? Non : le lendemain, le le duo va s'apercevoir qu'il est enfermé dans un dimanche qui se répète en boucle, et que eux seuls en sont conscients. "Un scénario digne d'un RPG" selon ses propres mots, et résoudre le problème semble simple selon Saki : briser l'illusion responsable de ça. Le souci, c'est que les gens avec des rêves et des fantasmes, ce n'est pas ce qui manque à Akiba…
Un J-RPG dans un cadre contemporain c'est toujours sympathique, surtout quand il se passe dans ce qui est considéré comme LE sanctuaire des otakus. Un cadre idéal pour un jeu qui va utiliser comme thématiques l'influence des rêves et des désirs sur la réalité, et vice-versa. Avant de s'attaquer au gros du sujet il faudra cependant patienter, car plus de la moitié du jeu est consacrée à de la mise en place, principalement pour introduire un casting cliché-mais-pas-trop et les questions qui le travaillent. Pas détestables, juste déjà (trop) vus, ces personnages disposent d'une bonne alchimie entre eux et même d'un petit sens amusant de la dérision dans leurs perceptions des événements, ce qui donne une sorte de mise en abyme dans la manière dont ils vont ramener leur situation aux fictions dont ils sont friands - et par extension, nous également. De bonne facture, le doublage japonais tout comme celui anglais aide un peu plus à apprécier cette petite bande de djeuns. La bienveillance dont fait preuve le script à l'encontre de nos archétypes sur pattes et de leurs passions empêche cependant de totalement prendre au sérieux le récit et ses thématiques (malgré ce qu'en dit lui-même le directeur du projet), finalement plus une confrontion de points de vue sauce Tales of qu'un récit avec un véritable message. Quelques idées scénaristiques très sympathiques apparaissent de temps en temps, mais dans l'ensemble tout ça reste peu passionnant.
Et c'est encore plus difficile de se passionner quand le rythme et le découpage du jeu vont, main dans la main, venir nous les briser de plus en plus fort au fil des heures : le véritable problème de la narration de Akiba's Beat, il va se trouver dans un mariage entre rythme foireux et abus de foreshadowing - vous savez, cette technique narrative qui consiste à suggérer ce qui va se passer plus tard. Le jeu aime étirer inutilement la longueur des chapitres en multipliant les étapes et les allers-retours, qui plus est pour ne pas dire grand chose de plus. Et sans donner une quelconque substance aux échanges qui justifierait cet étalage, car c'est zéro niveau mise en scène et le défilement des textes est digne d'un visual novel de seconde zone. Le jeu se plante aussi avec l'utilisation du foreshadowing, et c'est difficile de ne pas ricaner ou grimacer devant un retournement de situation qui surprend l'assemblée alors que ça fait bien cinq heures que le jeu nous répète en boucle que ça allait tomber. Et c'est encore plus comique quand ce même événement est torché en deux temps trois mouvements, à la suite d'enquêtes qui feraient passer celles de Persona 4 pour du grand art (à ce titre, le chapitre consacré à Saki est d'ailleurs magnifique). Bref, le jeu cumule les défauts de construction, de gros défauts de construction, et ça se ressent malheureusement très vite. La roue de la routineComme son titre l'indique, Akiba's Beat se déroulera donc dans le quartier d'Akihabara, reproduit plus ou moins de manière fidèle si on en croit les connaisseurs, avec bien sûr quelques modifications d'usage histoire d'éviter des ennuis liés à l'utilisation de noms ou de marques (et à ça il faut rajouter quelques… soucis de localisation). Un quartier à portée de manette donc, qui livre pourtant une terrible vérité au bout d'une heure à peine : on s'y emmerde. Ayant un rôle purement fonctionnel, histoire de nous permettre d'acheter objets et équipement et d'accéder aux donjons, le Akiba de Akiba's Beat est une coquille vide. La boucle temporelle couplée à l'idée comme quoi les humains normaux ne peuvent pas voir les illusions ont été une bénédiction pour le budget du jeu : quelques véhicules qui roulent, une armée de silhouettes monocolores répétant ad vitam æternam le même texte malgré les variations supposées par le scénario, et c'est tout. Comme dans (quasi) tous les RPG, me direz-vous ? Sauf que tous les RPG n'utilisent pas un lieu unique comme centre de l'action, et que ceux le faisant essaient généralement d'avoir recours à des artifices pour dynamiser l'endroit. Histoire de ramener ça à Persona une seconde fois, les jeux d'Atlus offrent à monsieur et madame tout le monde une évolution des dialogues en lien avec le déroulement de l'intrigue. Et pour ramener ça à la licence Akiba elle-même, Akiba's Strip proposait une myriade de NPCs pour habiller les rues et les échoppes, ce qui mêlait de manière plus ou moins efficace gameplay et "vie". Bref au rythme étriqué et étiré se rajoutent donc des traversées incessantes, en long en large, d'une zone de jeu sans âme et sans charme (tant qu'on y est, évoquons aussi les points de déplacements rapides qui sont placés de manière tout sauf pratique). Ce qui aide encore moins à s'impliquer.
En matière de déroulement, le jeu est on ne peut plus routinier : on suit le point d'exclamation rouge, on déclenche des événements, beaucoup d’événements, on file dans un donjon qu'on boucle et on passe à autre chose. Ponctuellement il sera possible de réaliser des événements secondaires (des points d'exclamation jaune cette fois-ci) histoire de mieux découvrir les personnages - ici aussi avec tout plein d'allers-retours pour pas grand-chose. Les quelques quêtes à accomplir, quant à elles, se résumeront à massacrer un monstre X ou Y histoire de gagner argent et objets. Dans l'ensemble le jeu arrive à garder un parfait équilibre dans sa première moitié, faire les quêtes et événements à disposition permet de mettre à jour l'équipement de nos troupes sans devoir chercher d'autres sources de revenus. La chose s'inverse cependant dans la seconde moitié, ou le prix des biens grimpe en flèche et oblige soit à des sacrifices, soit à du farming. Bref tout est relativement bateau, le jeu ne s'offrant que deux petites particularités : les armes sont uniques et doivent être 'moddées' (un simple équiper/déséquiper, cependant), et il existe un système de cartes à collectionner qui offrent des bonus. Il en existe environ 140, chacune ayant un effet actif et un effet passif, la fiche d'un personnage étant conçue pour accueillir un effet passif et un effet actif. Un point de personnalisation en somme tout sympathique, il va juste falloir de la patience et de l'argent pour en profiter : il faut acheter des paquets pour obtenir ces cartes, chaque paquet ne contenant que cinq cartes, l'obtention est aléatoire, et il y a évidemment une échelle de rareté dans l'équation. Bwerp. Heureusement, c'est tout à fait dispensable en difficulté normale, mais un peu plus nécessaire dans les échelons supérieurs.
Tales of AkibaMais Akiba's Beat ce n'est pas que des rues mornes et des allers-retours vide de sens, ce sont aussi des donjons mornes avec des allez-retours vides de sens. Banals au sens premier du terme, ces lieux nés des frustrations et désirs des personnages rencontrés au fil de l'aventure n'offriront que peu de plaisir et ce, à tous les niveaux : bien lambda sur le plan visuel pour des lieux censés refléter un imaginaire, assoupissants sur le plan de l'exploration avec des donjons bien trop longs et bien trop monotones (la seule folie que se permettra le jeu sera de mettre des téléporteurs, et encore ça sera dans un seul donjon…), pas très méritant dans la manière de parsemer des coffres dont 95 % du contenu s'achète déjà en boutique… on comprend vite qu'il n'y aura pas beaucoup à espérer cet aspect de l'aventure. D'autant plus que, comme dit plus haut, on va souvent y retourner, en refaisant souvent le trajet du début à la fin, ce qui ne va pas aider à les apprécier. Les monstres sont visibles sur le terrain, mais il faudra plus compter sur les bugs de collision avec le décor ou un parfum-repousse pour les éviter car ils rattraperont toujours le joueur. Il est cependant plus conseillé de se fritter que de fuir, car il n'y a pas de partage d'expérience dans Akiba's Beat : seuls les personnages actifs montent en niveau, et de temps en temps le jeu aime bien séparer les effectifs ou forcer à jouer certains personnages. Donc si voulez ne pas avoir de poids mort dans l'équipe ou tout simplement progresser dans l'histoire sans trop se casser les dents, tout le monde doit régulièrement aller au turbin.
Restent enfin les combats, dont la comparaison avec les Tales of s'impose d'elle même : même combats en arène, mêmes déplacements libres, mêmes quatre personnages, même système d'exécution des techniques et combos, même système d'utilisation des objets. C'est similaire sur la forme donc, mais pas vraiment sur le fond car le système de combat d'Akiba's Beat ressemble plus à du Tales of sous prozac. Les animations et réactions des personnages sont mollassonnes, la synergie de groupe est quasi-absente, et la cerise sur le gâteau est la présence d'un système d'endurance (pensez Rogue Galaxy ou Star Ocean 3) qui obligera les personnages à périodiquement couper leur élan pour regagner leur souffle. Bref, très vite on comprend que la recherche du combat maîtrisé se heurtera à un mur et qu'il sera plus efficace de bourrer l'ennemi comme un forcené. Et quoi de mieux pour bourrer l'ennemi que l'Imagine Mode, la petite touche personnelle (et probablement la seule) d'Akiba's Beat, une petite jauge à remplir qui offre un petit moment de liberté une fois activée : on a droit à une endurance illimitée, une immunité aux coups qui étourdissent, un multiplicateur de dégâts en fonction du nombre de coups portés, avec en fond sonore un morceau de j-pop préalablement choisi, et le tout dans une arène qui va temporairement changer d'apparence.
Un vrai mode défouloir qui ne sera utile que face aux boss, dont la qualité sera très variable, car du côté des combats normaux, tout s'expédie très vite en temps normal. Le jeu n'offre que 10 archétypes qui se comporteront toujours de la même manière quelque soit la version recolorée à laquelle on fera face (avec 14 itérations, l'ennemi de type Eye est le champion du recyclage). Bref on en connait un, on les connait tous. Un peu mieux du côté des boss ou la copie se limite à trois exemplaires par tête. Quitte à continuer à copier les autres, on notera également la présence d'un guide dans l'équipe, qui en plus de périodiquement lâcher quelques bonus en combat va littéralement ne jamais la fermer en nous informant sans cesse de la présence d'ennemis, de leurs faiblesses, et puis de temps en temps nous faire partager leurs petits états d'âmes ou répéter 95971 fois le même texte en passant devant une boutique. Et j'en passe. Plusieurs guides se joindront à l'équipe, chacun avec son bonus différent, à chacun de choisir celui qui plaira le plus. Akiba's BooooooSur le plan technique et artistique, Akiba's Beat est dans la lignée du reste du jeu, c'est à dire meh, et le jeu n'essaye même pas. Tout est… banal. C'est pas plus glorieux au niveau musical, la bande-son participant grandement à l'ambiance léthargique du titre avec des compositions monotones qui s’enchaînent que ce soit pour les thèmes de personnages, les pistes de zones et celles de combat (non mais écoutez moi ce thème de boss). Histoire de répéter un coup, pour une aventure qui se passe à Akihabara, c'est quand même assez triste. Le seul moment de grâce a lieu pendant l'activation du Imagine Mode, ou pendant un petit laps de temps le jeu va se réveiller grâce aux morceaux de j-pop. Il existe 11 morceaux, tous aussi pêchus les uns que les autres, chantés par les doubleuses et doubleurs des personnages. Acquire ne s'y est d'ailleurs pas trompé, c'est l'album regroupant ces musiques qui a été mis en avant à la vente au détriment de l'OST elle-même.
Comptez environ 40 h pour boucler le jeu en ligne droite, 50 à 60 h en fonction de votre chance pour voir le contenu dans sa globalité. En plus des quêtes de personnage et de chasses aux monstres, on pourra également aller se frotter à une arène de combat dans des combats en équipe ou avec un seul personnage. À noter que rien n'est ratable, l'ultime chapitre du jeu permettant de boucler les événements secondaires qui auraient pu êtres ratés. Le jeu va également proposer classique donjon bonus + super boss à la fin, mais avec un brin de fainéantise : ennemis comme étages visités ne sont que des reprises d'autres donjons mais avec des textures blanches / roses pour remplacer celles d'origine, ce qui donne une apparence aseptisée à la chose. La boucle est bouclée, on va dire. Le mode de difficulté normal est bien équilibré, mais le jeu offre le choix de modifier à la volée ce niveau dans les options. À noter qu'il offre aussi le dual audio et la possibilité de le modifier à tout moment… uniquement depuis l'écran principal. Pour son premier RPG à formule "classique", Acquire nous offre donc avec Akiba's Beat une sorte de sous Tales of, une comparaison inévitable vu ce qui est proposé et que chacun appréciera à son niveau (et qui s'étend jusqu'à la politique de DLCs). Faiblardes et mal fignolées sous toutes les coutures, les aventures d'Asahi et de ses camarades ne sont sauvées que par ce lien unissant un casting pas trop mal et une histoire qui arrive péniblement à susciter de intérêt. Mais ça, c'est si on arrive à tenir les 25 à 30 h séparant le début de l'aventure d'un développement scénaristique passable mais bien trop prévisible, et surtout à ne pas mourir d'ennui devant un aspect jeu pas bien glorieux. Non vraiment, il n'a pas grand chose à tirer de Akiba's Beat.
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