Premier jeu du développeur indépendant Red Hook, Darkest Dungeon a fait couler beaucoup d'encre depuis sa sortie en 2016. Dégageant une aura toute particulière et fort d'une excellente réputation, il débarque ainsi dans la foulée sur PlayStation 4 après avoir initialement sévi sur PC et éreinté tous les joueurs qui s'y sont essayés. Sombre, brutal et sans concession, le titre revendique fièrement ces qualificatifs extrêmes qui attireront autant les hardcore gamers avides de challenges relevés qui feront fuir les plus hasardeux. Si vous êtes toujours avec moi, alors respirez un grand coup, prenez quelques semaines de congés et… bienvenue en Enfer.
Ruin has come to our family...
Nouvel héritier d'un manoir et de ses terres environnantes légués par un lointain parent, vous aurez fort à faire pour éradiquer le Mal ineffable qui a prit possession des lieux. Obnubilé par sa soif de connaissances et de sciences occultes, votre ancêtre a en effet libéré des créatures monstrueuses qui rôdent désormais dans tout le domaine. Et c'est bien entendu à vous qu'incombe désormais la lourde tâche de venir à bout de ce fléau et de détruire le Chaos qui a envahie toute la région. Pour y parvenir, il vous faudra engager des mercenaires de tous horizons et les envoyer au charbon, explorer les sombres dédales d'anciennes ruines, ou les inextricables sentiers des forêts environnantes, jusqu'à ce qu'une de vos équipes parviennent à anéantir les Ténèbres une bonne fois pour toutes.
Le hameau sera votre base, là d'où vos héros seront enrôlés, entrainés et soignés avant de partir vers une nouvelle quête, puis d'en revenir (ou pas). Toutes sortes de bâtiments seront à votre disposition pour cela, une caravane qui amène des nouvelles recrues, des lieux de détentes ou de méditation pour le repos bien mérité, une armurerie pour améliorer son équipement, et bien d'autres. Votre gestion financière du domaine sera très importante car sans argent, difficile de monter des groupes efficaces ou de leur prodiguer des soins, et vous allez très rapidement vous rendre compte que tout cela à un prix et il est élevé. En effet, si le principe du jeu est on ne peut plus simple et vu des centaines de fois dans d'innombrable RPG, une notion fondamentale s'insinue dans Darkest Dungeon et fait toute la différence : la santé mentale.
Car vos mercenaires, aussi forts soient-ils, ne sont que des humains. Face à toutes les horreurs qu'ils seront amenés à affronter, leur équilibre mental vacillera très vite sous la forme d'une barre de folie qui se remplit au fil des coups reçus ou tout simplement du stress de l'exploration. Laisser cette jauge se remplir aura de lourdes conséquences telles que des traumatismes permanents, traduits par divers malus, l'incapacité d'agir durant les combats, ou même carrément de mourir d'une crise cardiaque. Ainsi, il est donc primordial de laisser vos vaillants héros se reposer dans le hameau entre deux donjons si leur niveau de santé mentale est critique, sous peine de les voir sombrer à mi-chemin lors de la prochaine exploration. Et bien entendu cela coute très cher, que vous les envoyiez se saouler à l'auberge ou méditer dans l'abbaye, votre porte monnaie va souffrir et une bonne partie de vos ressources partira dans ces établissements ou même au sanatorium pour les guérir de différentes maladies.
Remind yourself that overconfidence is a slow and insidious killer
La mécanique de Darkest Dungeon est relativement simple : une équipe de 4 personnages maximum est envoyée dans un donjon et doit le terminer avec au moins un membre vivant pour récolter de l'xp et du loot. Puis on recommence, encore et encore, pour ainsi augmenter le niveau de ses héros afin qu'ils puissent s'attaquer à des zones plus dangereuses, et ainsi de suite. On déplace son groupe de gauche à droite dans des environnements en 2D, avec une carte se dévoilant petit à petit, et de temps à autre une escarmouche se déclenche contre un groupe de monstres. S'ensuit alors un affrontement au tour par tour dont l'initiative est déterminé par la vitesse de chacun, et où l'importance du placement se fait déterminante. En effet, chaque classe de personnage possède un panel d'action qui lui est propre, avec des attaques qui ne peuvent se déclencher que si la position le permet. Par exemple, le bandit ne pourra utiliser son tir à bout portant que s'il est en première ligne, tandis que la vestale sera incapable de lancer certains de ses sorts de soin si elle n'est pas au moins sur l'une des deux dernières cases.
Et des classes, il y en a un sacré paquet qui seront à votre disposition, toutes avec leurs spécificités et très différentes les unes des autres. Certaines seront plus utiles en arrière garde, d'autres feront des merveilles au front, et les plus polyvalentes seront efficaces à peu près n'importe où. Au total, pas moins de 15 professions vous sont offertes, sans compter celles rajoutées par les DLC. La variété est donc de mise et le nombre de possibilités est largement appréciable. D'autant plus que chaque type de héros pourra, avant de partir en exploration, s'équiper de 4 actions parmi un éventail de 8, uniques à chaque classe. Autant dire que selon les situations, les boss, ou le type de donjon, le choix sera à la fois difficile et crucial pour la survie de votre groupe, et qu'une bonne connaissance de vos aptitudes face aux créatures rencontrées sera indispensable.
En effet, les différents lieux visités ne seront pas tous à aborder de la même manière, et une équipe efficace dans tel endroit ne sera pas forcément aussi performante ailleurs. Si par exemple les morts-vivants des ruines seront très sensibles aux infections causées entre autre par le médecin de peste, il seront en revanche totalement immunisés aux effets de saignement, comme ceux occasionnés par le maitre-chien. Un autre point important réside dans la bonne préparation de son raid, car outre le choix des membres de l'expédition, il faudra également penser à acheter de l'équipement et des fournitures pour survivre dans les donjons. Des pelles pour déblayer certains chemins, de la nourriture pour ne pas mourir de faim, et surtout des torches pour garder l'environnement lumineux. Car plus l'obscurité se fera sentir et plus vos adversaires auront des bonus et seront à même de vous surprendre. Alors qu'inversement, si la lumière est radieuse, c'est vous qui serez avantagés. Mais bien entendu, les récompenses lâchées par les ennemis seront bien plus intéressantes dans les ténèbres.
Death waits… For the slightest lapse in concentration
Pas la peine de tourner autour du pot, Darkest Dungeon est un jeu très difficile qui demandera beaucoup d'effort de la part du joueur pour espérer le terminer. Tout d'abord il faut savoir que la mort est permanente, et qu'à l'instar d'un Dark Souls le jeu sauvegarde en continu sans jamais vous laisser la possibilité de revenir en arrière. D'où l'importance de la préparation lors d'une expédition, où le choix des héros et de leurs compétences aura un impact significatif sur le bon déroulé du raid en question. Extrêmement punitif, voire parfaitement abusé sur certains points, beaucoup pesteront sur la grande part de hasard qui joue également un rôle essentiel dans le déroulement des combats, à l'image des jets de dés lors d'une partie de jeux de rôle sur table. À tel point que l'on a souvent l'impression que le jeu est contre nous et que tout, absolument tout, est fait pour nous pourrir la vie.
Car comme si les ennemis ne faisaient pas assez mal, le stress peut avoir des effets dévastateurs sur vos poulains si vous laisser leur santé mentale se dégrader sans rien faire. Un personnage qui développe un trauma en pleine expédition peut contaminer psychologiquement à son tour ses compagnons, transformant ainsi un combat lambda à priori bien parti, en boucherie à sens unique où vos coups ne portent plus, vos héros restent paralysés de peur, et où les monstres enchainent les critiques. Et regarder, impuissant, vos valeureux mercenaires dont vous aviez pris le temps d'augmenter leurs niveaux, mourir définitivement, peut rendre l'expérience particulièrement démotivante par moment. Retour à la case départ, il faut à nouveau enrôler de nouvelles têtes pour les faire progresser et remplacer les vétérans tombés en combat et continuer ainsi en faisant tourner vos différents groupes de héros. D'autant plus que lorsqu'un personnage atteint un certain palier, il refusera de s'aventurer dans les endroits inférieurs à son niveau, bridant donc le farming facile et rendant le leveling toujours dangereux.
De plus, les donjons étant tous générés aléatoirement et de tailles variables, il y a toujours une part d'inconnu lors d'une expédition, surtout celles devant se solder par l'anéantissement d'un boss. Localiser sa salle le plus rapidement possible devient donc une priorité, pour ne pas trop épuiser ses troupes durant l'exploration. La possibilité de camper en plein dédale est également offerte au joueur pour souffler un peu, et récupérer de précieux points de vie ou diminuer son stress. Mais encore une fois le jeu ne vous épargne rien, car il sera fréquent que votre repos soit stoppé en plein bivouac par une embuscade nocturne fort déplaisante. Il y aurait bien entendu beaucoup d'autres choses à dire sur toutes les petites choses qui vous empoisonneront l'existence, comme les cadavres des ennemis qui bloquent le passage, les pièges disséminés un peu partout ou encore les mid boss qui apparaissent au détour d'un couloir sans crier gare. Vous l'aurez compris, Darkest Dungeon est jeu exigeant qui demande de maîtriser toutes les mécaniques du gameplay pour avancer le plus sereinement possible et ne pas devenir fou comme ses aventuriers.
Send this one to journey elsewhere, for we have need of sterner stock
Intégralement en 2D, l'esthétique du titre de Red Hook est tout simplement fabuleuse. L'aspect bande dessinée est totalement maitrisée et l'ambiance sombre et cauchemardesque parfaitement réussie, lorgnant sans vergogne vers l'imagerie horrifique de H.P. Lovecraft. L'ambiance dans les donjons est oppressante au possible mais l'aspect le plus réussi à mon sens reste définitivement la mise en scène des combats, très dynamique, où les attaques des différents protagonistes est zoomée pour rendre l'action plus intense. C'est simple mais superbe et diablement efficace. La bande sonore n'est pas en reste, avec des musiques discrètes mais complétement dans le ton, et surtout, surtout, la voix du narrateur. Ce dernier, qui n'est autre que votre ancêtre, commente en permanence vos actions de sa voix grave et sépulcrale par des phrases extrêmement bien écrite, toujours de circonstances, dont les titres des différents paragraphes de ce test en sont d'ailleurs tirés. Il s'agit là d'un atout majeur à l'atmosphère du jeu et rajoute une incroyable couche de noirceur à un titre qui n'en avait même pas besoin.
Le bilan est donc plus que positif, avec un game system en béton armé, l'ingéniosité de l'utilisation du stress, une direction artistique de folie et un challenge de gros calibre. Néanmoins, le jeu n'est pas inattaquable pour autant et quelques défauts viennent malheureusement entacher ce merveilleux tableau. La répétitivité tout d'abord, car le principe même du jeu pousse le joueur à arpenter les même donjons des dizaines et des dizaines de fois, jusqu'à l'écœurement. La mort définitive et l'obligation de remonter des personnages en rajoutent évidemment une couche, ce qui ne plaira bien entendu pas à tout le monde. L'ergonomie à la manette est également fortement discutable et n'est clairement pas toujours très intuitive ou très adaptée, surtout dans les menus. La jouabilité à la souris de la version PC reste de ce fait bien plus agréable. Et puis il y a cette difficulté extrême également, qui en bloquera bon nombre, même parmi les fans de RPG, qui auront parfois le sentiment de se trouver face à un mur insurmontable. Il est évident que seuls les plus patients et les plus persévérants verront la fin du jeu, ce dernier se coupant donc volontairement d'une certaine partie du public.
La place de la composante "RNG", en gros l'aléatoire, dans le jeu peut aussi rebuter voire carrément dégouter au premier abord, même au second d'ailleurs. Rater plusieurs actions d'affilée à de quoi énerver, surtout dans les moments critiques, et encore plus quand le camp d'en face n'a quant à lui aucun problème pour vous laminer. Oui, on a souvent l'impression que le jeu est foncièrement injuste ou "cheaté", mais après plusieurs dizaines d'heures de frustration au compteur, on se rend finalement compte que son impact n'est pas aussi décisif une fois que l'on maitrise le système et ses ficelles. Le soft se voit toutefois affublé d'un mode facile, dénommé "Radiant mode", censé raccourcir la durée du jeu et le rendre plus accessible, avec notamment un gain supplémentaire de l'expérience engrangée ou encore la possibilité de permettre aux héros d'un certain niveau de continuer à arpenter les donjons inférieurs. Un effort louable de la part des développeurs, mais qui trahit tout de même quelque peu le concept du jeu. À contrario, un autre mode plus difficile est également disponible, ne tolérant cette fois-ci qu'un certain nombre de morts maximum à ne pas dépasser sous peine de Game Over définitif. Avis aux amateurs.
Darkest Dungeon est une horreur, littéralement, mais une horreur superbe, cruelle, violente et brutale qui vous occupera durant de longues nuits si tant est que vous acceptiez son challenge extrême et cauchemardesque. Doté d'un gameplay incroyablement addictif, d'une ambiance sonore unique et d'une direction artistique de toute beauté, le soft de Red Hook Studio marque définitivement d'une pierre noire l'histoire du RPG. Rares sont les œuvres vidéoludiques à proposer une telle expérience de jeu, aussi éprouvante que jouissive, parfois à la limite de l'excès, mais finalement parfaitement maitrisée.
08/07/2020
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- Esthétiquement splendide
- La voix de l'ancêtre, géniale
- La gestion de la folie
- Le challenge extrême
- La variété des classes
- L'ambiance horrifique
- Addictif au possible
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- Objectivement (très) répétitif
- Peu ergonomique à la manette
- RNG qui peut agacer
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TECHNIQUE 4.5/5
BANDE SON 4.5/5
SCENARIO 2/5
DUREE DE VIE 4/5
GAMEPLAY 4.5/5
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