Romancing Saga 3 Remastered
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Romancing Saga 3 Remastered
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11/11/2019
Editeur : Square Enix Disponible uniquement en dématérialisé
Romancing Saga 3 Remastered
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Romancing Saga 3 Remastered
Destins croisés de playtests
Longtemps limités à une découverte par l'émulation, certains gros RPG japonais trouvent une seconde jeunesse par l'entremise de remasters plus ou moins poussés sur les systèmes modernes. Nous avions il y a peu évoqué le cas de Romancing SaGa 2, c'est cette année le troisième épisode qui nous parvient sur Switch, avec sensiblement le même traitement.
Deux jeux étrangers du bout du monde, si différents (mais similaires)
Abrégeons pour une fois la présentation de la série et de l'aspect "remaster", points sur lesquels la critique détaillée du second épisode s'était allégrement appesanti : on pourrait reprendre le même argumentaire point par point devant Romancing SaGa 3, le jeu original n'étant séparé que de deux ans de son ainé, avec le même moteur, les mêmes ambitions et des mécaniques de jeu similaires. Pour ces refontes Switch, c'est la même chose, les sprites et décors ont subi peu ou proue une même qualité de polish avec une remise à niveau des textures et quelques rares animations (sur les boss, surtout) qui ne trahissent pas du tout le feeling d'époque.
Là où ces épisodes divergent, et c'est déjà énorme, c'est dans la progression chronologique appuyée par des mécaniques fort éloignées qui produisent deux expériences de jeu diamétralement opposées. Le précédent était régi par des générations successives d'empereurs.ices et leurs suivants de différentes classes, produisant une sensation très libre dans une aventure guidée par l'aléatoire. A l'inverse, tous les personnages de cet épisode sont fixés mais on ira piocher dans l'épais roster pour constituer notre équipe de combattants autour d'un personnage central.
Vous recrutez et équipez votre équipe comme vous le souhaitez
Le monde est touché par une inexplicable malédiction : tous les trois-cents ans, une éclipse solaire survient et tue l'intégralité des nouveaux-nés de l'année. Il arrive toutefois qu'un bébé survive, qui est destiné à faire de grandes choses... mais pas toujours les meilleures. Ainsi le rescapé d'il y a six siècles devint le roi démon qui libéra les seigneurs démons de l'Abysse. Celle d'il y a trois siècles devint la Matriarche, qui lutta contre ces engeances. Quand à celui ou celle d'il y a quinze ans, personne ne sait encore ce que l'élu.e choisira comme destin.
Cette introduction faite, nous voilà aux commandes d'un des huit personnages de base, quatre hommes et quatre femmes dont le point de départ commun bifurquera très vite pour offrir une ouverture quasi complète de l'aventure.
C'est surtout des rencontres, des mains tendus aux gens qui forgent une destinée
Originalité scénaristique, notre première recrue n'est probablement pas l'élu, ce qui devient assez évident dès lors qu'on scrute un peu les curriculum vitae des prétendants. Peu loquaces, ce seront plutôt des quidams qui se laissent porter par les évènements et l'appel de l'aventure. Certains sont des nobles, d'autres des roturiers. Leurs capacités sont orientées mais malléables, leurs personnalités quasiment vierges. Certains auront un but de base, les autres se retrouveront vite à chercher leur chemin.
Passé l'introduction, le début de jeu peut paraitre déroutant. La carte du monde est vide, notre avatar possiblement perdu dans une ville qui lui est étrangère. Oldie oblige, c'est en parlant aux habitants que des destinations de quêtes apparaitront sur notre atlas. En se laissant transborder de port en port selon les destinations disponibles. En se proposant comme défenseur de la veuve et de l'orphelin avant d'explorer les environs. Héritage du second épisode de la série, encore, les ennemis gagnent en puissance quasi proportionnellement à l'équipe, ce qui permet généralement d'éviter de tomber de façon fortuite sur des quêtes impossibles à résoudre. Moins random, RS3 n'en contient pas moins une bonne dose de non-choix : les quêtes se déclenchent sans qu'on ne leur demande, quand ce ne sont pas les persos jouables qui viennent directement se taper l'incruste dans l'équipe sans même consentir de libérer la place.
Les chieurs
C'est le principal point noir qu'on pourra trouver au jeu ; malgré les possibilités décisionnelles qu'il offre au joueur tant dans la progression que dans la constitution de son équipe, il refuse de lui en confier la maitrise complète, voire le contraint dans son recrutement. Qu'il s'agisse de Tatyana, une gamine qui persiste à poursuivre (littéralement, en ville) le personnage principal pour le contraindre à l'embarquer dans ses aventures, ou le Poète qui refusera de libérer la place avant d'avoir fermé une première porte des abysses pour une raison obscure, trop nombreux sont les personnages qui prennent de l'espace non désiré. Quand on sait que l'équipe est limitée à six places, dont une en réserve, que les caractéristiques hors-HP n'évoluent pas vraiment en dehors des combats et que certaines recrues potentielles possèdent un compteur de personnages invisible au terme duquel elles refuseront de nous rejoindre, trimballer un poids mort pendant une bonne partie du jeu devient handicapant.
Dès lors, peut-être sera-t-il plus agréable de ne pas viser la partie parfaite et de profiter des contraintes que le jeu nous a imposé - il est de toute façon impossible de faire l'intégralité des quêtes et des scénarios en une seule fois tant les prérequis et les délais peuvent se montrer stricts. Quoiqu'il en soit, pour les huit héros désignés (qui peuvent être enrôlés ou non dans l'équipe parmi deux douzaines de personnages jouables), la profondeur et l'implication dans l'intrigue se montrent pour le moins diverses.
On pourra trouver en Herman, ancien pirate maudit, un allié fidèle qui nous accompagnera en s'impliquant tout au long des quêtes de notre aventure jusqu'à son arc de rédemption salvatrice au moment de porter le coup de grâce à l’engeance Forneus. Un jeune-homme sans nom bénéficiera de quelques bribes de lore et d'interventions plus ou moins appuyées, sans pour autant occuper une place centrale ou un passage obligé du scénario. Robin, le héros masqué (toute ressemblance avec un personnage existant serait purement fortuite), rejoindra nos lignes si nous l'aidons à délivrer Yarhmouth de la vile corporation qui la tient sous son joug. Bref, des recrutements très hétérogènes, qui, parfois, ouvrent un énorme pan de background, ou se font au prix de donjons complexes ou d'aller-retours répétés. À contrario, d'autres recrues se feront beaucoup plus discrètes voire comiques (le bonhomme de neige, malgré son destin tragique), purement fonctionnelles (beaucoup rejoignent l'équipe sans avoir de trame dédiée) quand elles ne tombent pas carrément dans un vide scénaristique : ainsi Nora, la forgeronne, fait une combattante de choix, mais sa trame prometteuse ne parvient pas à l'intégrer pleinement dans la quête qui en découle.
Gagner la guerre
Au moins se consolera-t-on en recrutant la demi-douzaine d'ouvriers de son paternel, qui viendront peupler l'atelier de Pidona, base opérationnelle de choix pour pas mal de héros. C'est ici, entre le magasin et l'enclume, que se forgeront les plus précieux équipements. Les coffres et autres drops se montrent en effet plutôt chiches en armement à niveau, et les magasins plutôt chers n'ont que rarement sur l'étal les meilleurs atours ; la forge, une fois remise d'aplomb, devient le principal pourvoyeur de lances, armures, arcs ou accessoires porteurs de capacités spéciales, et à pas cher. Il en coutera juste un peu de temps - quelques dizaines de combats tout au plus - ou éventuellement des objets rares obtenus au gré de nos pérégrinations.
La fiche de personnages constitue le point focal d'une équipe bien exploitée. Chacun peut ici être employé de manière libre quant à son arme favorite ou l'élément magique qu'il maniera ou non (deux au choix, entre feu / Terre / Eau / Vent d'une part et Soleil / Lune d'autre part) ; c'est en tout cas ce que le jeu promet, dans les faits le gain post-combat privilégie certaines compétences, faisant de certains persos de piètres combattants ou mages si vous choisissez de les sortir de leur branche de prédilection. Une nouvelle mécanique assez peu évidente fait également son apparition sous la forme d'une couronne porteuse d'effets alléchants. Cette icône n'apparait que lorsqu'un combattant se donne corps et âme dans l'un ou l'autre des versants combatifs, attaques physiques ou magiques, et plus précisément quand la différence entre Points de compétences et Points de magie atteint une valeur plancher plutôt importante. Dit autrement, un combattant qui n'utilise jamais la magie pourra lancer ses attaques avec une minoration de SP, et côté mages ne jamais (jamais) taper au corps à corps lui octroiera une baisse de consommation de MP. La versatilité des personnages n'est donc pas vraiment encouragée, ou empêchera de profiter de ces bonus, ce qui apparait tout de même comme une restriction dommageable pour profiter à fond des possibilités.
Du reste, Romancing SaGa 3 reste dans la droite ligne de son glorieux ancêtre pour tout ce qui touche aux combats au tour par tour. Les Formations sont toujours là pour encourager l'équipe sur un type de tactique spécifique, mais sont désormais liées au recrutement de personnages. On remarquera avec délice que RS3 se montre bien moins capricieux avec les ennemis qu'ils nous envoie, la gamme de puissance étant plus resserrée et les monstres, par voie de conséquence, adaptés au niveau de l'équipe. Il faut aussi porter à son crédit le changement de fonctionnement des LP, les points de vie des personnages avant leur trépas définitif. Perte irrattrapable dans RS2, où vous vous retrouviez contraint de faire avec les aléas d'ennemis pervers et obstinés, cet épisode permet de les récupérer à chaque passage à l'auberge. Une modification qui change un peu l'expérience globale mais la rend au moins plus linéaire et maitrisable, en évitant de la subir.
Seule mécanique à tirer son épingle du jeu dans l'originalité, on accèdera au Mode Commandant en plaçant notre personnage principal en sixième homme (ou femme), en dehors de l'équipe donc. Ce que change cette fonctionnalité quasiment cachée - car pas vraiment instinctive -, c'est que les combats passent d'une sélection manuelle à une dose d'automatique. Pour détailler, vous ne choisirez plus les attaques des équipiers une à une, mais vous pourrez donner des ordres généraux (forcer les techniques spéciales, défendre, se contenter d'attaques de base et tout le toutim) que l'IA essayera d'appliquer avec un discernement tout relatif. De plus, vous pourrez à chaque tour changer (ou non) la formation de l'équipe, histoire de s'adapter à la situation.
Mais alors pourquoi s'embêter avec ce mode de jeu peu intuitif, êtes-vous en train de penser. Et la réponse est : parce qu'il offre quelques contreparties pas négligeables. D'abord, utiliser ce Commander Mode régulièrement débloquera parfois des techniques spéciales de formations, de la même manière que l'apprentissage des "Waza" d'armes mais qui consomment le tour d'action de plusieurs personnages. Techniques spéciales qui, à la différence des autres, ne consomment pas votre précieux stock de SP mais un ou plusieurs des points de Waza qui se régénèrent chaque tour. Ce qui peut être un moyen de conserver une partie du stock dans un donjon corsé. Autre nouveauté, l'accès aux objets du sac à dos, là où vous seriez ordinairement limités aux consommables équipés. Mais l'une des fonctionnalités les plus étonnantes est... découvrons-la ensemble... que ce mode offre une (petite) régénération de santé et d'état en fin de tour, qui restaure également le KO d'un personnages à terre. Dans un jeu où le heal de masse est rendu si difficile, et où les camarades peuvent vite tomber comme des mouches sous les attaques globales des boss, voilà qui constitue un avantage non négligeable.
Le mode Commandant débloque des attaques combinées dévastatrices
Malgré toutes ses bonnes idées, on peut difficilement passer au jeu son manque flagrant de finition, qui se voit comme le nez au milieu de la figure dès qu'on touche à ces quêtes conditionnelles aux obligations absconses, et à l'incapacité à maitriser le recrutement. Il y a quelque chose de frustrant à ne pas avoir accès à de larges portions de l'aventure sous le foireux prétexte qu'une action accomplie au pif plusieurs heures auparavant y présentait une incompatibilité. Frustration aussi à ce que le jeu ne se montre pas suffisamment clair dans les indices laissés au joueur : ainsi vous pourrez comprendre que les allusions d'un des PNJ à l'Eclipse n'est pas là pour rien, mais pas forcément que vous êtes censés attendre trois minutes montre en main sur la carte simplifiée du monde pour voir le ciel s'obscurcir et débloquer une zone optionnelle. Ces petits tracas tendent à se multiplier, et s'ils pointent vers une agréable rejouabilité du jeu - deux parties peuvent être très différentes selon le chemin et les personnages suivis - ceux qui pensaient avoir droit à une aventure complète en seront pour leurs frais.
Le même manque de playtesting se retrouve dans certains traits approximatifs du remaster, comme les sprites des ennemis qui disparaissent lorsqu'on se déplace en courant mais pas leurs ombres : ce problème étant absent du remaster d'RS2, on est en droit de se demander s'il s'agit là d'un bug ou d'une feature. Quoiqu'il en soit, avec la baisse de difficulté apportée par la gestion des LP et le comportement moins aléatoire des rencontres, cet inconvénient ne porte pas un énorme préjudice à l'expérience.
En guise de dessert, le remaster introduit un donjon scénarisé, le Phantom Maze, accessible assez tôt. Sans trésor optionnel à s'y mettre sous la dent et avec un chemin plutôt balisé, l'aspect "dédale" n'a que peu d’intérêt. En revanche il se targue d'étoffer le background de trois personnages, à savoir Khalid, Tatyana et "Le jeune garçon", ce qui est toujours sympa bien qu'un peu random, d'autres personnages étant tout aussi peu développés dans le jeu de base. Plus pragmatique, le large panel d'ennemis qui y batifolent (porteurs de techniques d'évitement utiles) et les 4 récompenses particulièrement pétées (par exemple un accessoire divisant par 2 la consommation de points de skills) en font un incontournable avant de se lancer dans la dernière ligne droite.
Il faut dire que la fin du jeu peut paraitre abrupte. Une fois les quatre gardiens des Abysses vaincus, on vous enverra visiter les royaumes de l'est sans vraiment vous prévenir qu'il s'agit là d'un voyage sans retour. Mieux vaudra avoir débloqué tous les équipements nécessaires et blindé votre sac à dos d'objets de soin et autres trucs utiles, dans le cas contraire ça pourrait bien vous manquer. D'autant que, sans spoiler, les derniers adversaires proposent des combats bien velus et les utilisateurs de certains personnages particuliers pourraient bien avoir des (mauvaises) surprises ; du genre à forcer le mode commandant que vous n'avez peut-être pas vraiment développé au cours de la partie.
Malgré tout, le dernier donjon permet de farmer à volonté et les épreuves qui vous attendent ne sont donc pas totalement insurmontables. Même si elles vous cueillent à froid, c'est là que s'exprimera toute la créativité tactique et les forces d'une équipe longuement aiguisée : persévérez et vous éviterez peut-être la fin du monde.
Ou pas
Si l'expérience de jeu proposée par Romancing SaGa 3 peut paraitre moins originale que celle du précédent, elle reste sur des bases similaires et cette fois-ci bien moins gangrénées par l'aléatoire. Avec une narration plus cadrée, un peu plus écrite peut-être sans pour autant renier son envie de RPG "à la carte", le jeu propose une aventure solide et intéressante autant qu'un système prenant.
Côté remaster, pas grand chose à redire, c'est jouable sans aucun souci avec des assets plus détaillés qu'à l'époque et de rares animations de sprites, et on a droit une fois de plus à quelques ajouts bienvenus et des corrections de bugs de fonctionnement. On apprécie de voir la série revenir un peu sur le devant de la scène après ces trente ans à l'ignorer injustement.