Originellement sortie sur XBox360, la symphonie éternelle de Tri-Crescendo s'est offert un véritable bis sur Playstation 3 dans une édition Director's Cut reprenant en l'agrémentant le travail original des créateurs - entre autres - des deux épisodes de Baten Kaitos. En dehors des ajouts visibles comme les nouveaux costumes (sur lesquels je ne m'attarderai guère), le jeu propose quelques segments supplémentaires dans la trame principale. Si certains sont anecdotiques, d'autres en revanche subliment ce qui était déjà un petit chef-d’œuvre. Retour, donc, sur Eternal Sonata, RPG coloré et chatoyant s'il en est, et tout particulièrement sur cette version longue qui s'adresse tant aux amateurs de la première mouture qu'aux nouveaux venus.
La Symphonie du Destin
Bien qu'il ait été annoncé avant même sa sortie (les miracles du marketing !) qu'Eternal Sonata serait un jeu traitant de la thématique du rêve, et en particulier de celui qu'aurait fait le compositeur Chopin avant de mourir, celle ou celui qui voudrait trouver ici une œuvre historique et centrée sur FF (pour le petit nom du pianiste, Frédéric François) va rapidement déchanter : si le personnage fait effectivement partie intégrante du casting avec son grand chapeau, si le jeu nous fait également vivre, en parallèle, ses derniers instants, et si le monde dans lequel se meut notre petite troupe est effectivement présenté comme l'ultime rêve de Chopin, bien malin celui qui pourrait repérer dans Eternal Sonata un propos construit et suivi sur le songe. A mon sens, loin de trahir par cette légèreté une promesse pour le coup non-tenue, je crois tout simplement qu'Eternal Sonata prend ce personnage historique et cet épisode de sa vie pour en faire un lointain hommage - Tri-Crescendo est avant tout, ne l'oublions pas, un studio de musique - et un point de départ original à son odyssée.
Bien sûr, l'avatar du compositeur parle de temps en temps de l'origine du monde dans lequel a lieu l'aventure, bien sûr, quelques intermèdes érudits sur la vie de Chopin agrémentent agréablement le jeu, mais cela reste surtout décoratif. Le cœur du jeu n'est assurément pas, dans l'absolu, de distinguer le réel du rêve.
Les vrais héros, ce sont en effet Polka, une petite fille qui vend de la poudre florale et maîtrise la magie (ce qui est, dans ce monde, le signe d'une maladie incurable), Allegretto (un jeune homme pauvre qui porte secours à plus fauché que lui encore), et toute la troupe bigarrée qui les accompagne, le fil conducteur étant de faire cesser les agissements malveillants du comte Valse (et non pas Valls – quoique cette plaisanterie fort douteuse soit appelée à passer rapidement de mode), qui inonde le pays d'une poudre minérale qui s'apparente à une drogue universelle. C'est d'ailleurs autour de cette poudre et de ses effets pervers que tournera principalement l'intrigue - en tout cas dans sa dimension "visible".
La scène initiale montrant Polka en train de sauter d'une falaise ne tend pas vers une grande clarté narrative : dans l'ensemble, elle est à l'image du jeu qui suggère plus qu'il ne dit, et dont le fil est relativement ténu. J'ai l'impression qu'Eternal Sonata – à l'exemple d'un morceau de musique savante – s'éprouve plus qu'il ne se comprend au sens intellectuel du terme. On peut bien sûr y déceler un discours sur le destin, sur le courage (bref : sur les thèmes que nous retrouvons dans nombre de RPG de ces dernières années) mais le propos est le plus souvent sibyllin.
La version PS3 ajoute quelques nouvelles étapes de jeu et deux personnages supplémentaires : si le passage derrière le miroir du prince est anecdotique, et si les nouveaux personnages sont clairement mal intégrés aux combats puisqu'ils ne possèdent pas une palette de coups aussi riche que les anciens, Polka connaît en revanche quelques nouvelles galères qui viennent enrichir le personnage, et la fin a littéralement été modifiée. Si la version d'origine n'en devient pas obsolète pour autant, cette variante-ci est clairement meilleure : comme si l'on avait enfin affaire à une jeu terminé !
La Symphonie du Nouveau Monde
Heureusement pour quiconque n'accrocherait pas à ce propos presque prophétique, le monde dans lequel nous sommes invités à nous mouvoir est d'une beauté à couper le souffle : beauté de la photographie et de l'animation pour commencer, avec un style coloré et lumineux qui vient nous rappeler le bon souvenir des deux épisodes de Baten Kaitos, et qui n'a peut-être d'égal, de façon rétrospective, que chez le superbe Ni no Kuni. Beauté de la musique, aussi (le contraire eût été un comble, d'ailleurs), composée par le seigneur Sakuraba, qui nous livre ici un sommet : quoique je sois piètre musicien, je crois reconnaître les tendances déjà développées dans Star Ocean : till the End of Time et, une nouvelle fois, les deux Baten Kaitos. Entre douces mélodies accompagnant vos flâneries dans des cités qui régalent également vos yeux comme Baroque et morceaux plus entraînants lorsqu'il s'agit d'explorer un donjon en forme de clarinette, la bande son est variée. Mention spéciale à la chanson (« Pyroxene of the heart ») - qui rappelle bien sûr « Le Ali del principio ».
La Symphonie Eroica
Eternal Sonata vous propose également de combattre, selon un système qui tend de plus en plus au temps réel à mesure que votre « niveau de groupe » augmente (ces augmentations sont régies par des événements précis du scénario). Les coups donnés par les personnages font monter une jauge d'écho, grâce à laquelle il est possible de déclencher des coups spéciaux puis, au fil de l'aventure, de les enchaîner parmi les personnages. Il est également possible d'utiliser des objets préalablement sélectionnés dans le menu d'exploration : cette dernière fonction était peu utilisée sur la version d'origine : il n'en est plus de même sur la version dont il question ici, et dont la principale nouveauté est le niveau de difficulté revu très sérieusement à la hausse. D'un jeu trop facile, nous sommes passés à un jeu relativement difficile, qui demande parfois une vraie approche tactique, que ce soit dans la gestion des objets, justement, ou dans la gestion de l'ombre et de la lumière : en effet, selon que les monstres se trouvent dans l'ombre ou dans la lumière, ils changent de forme et de forces, tandis que les coups spéciaux des personnages changent également. Les déplacements (libres dans le temps imparti pendant le tour du personnage) sont donc de première importance.
La version PS3 propose un vrai défi : les derniers boss ont été largement renforcés et demandent un petit passage par la case entraînement. Pour les vrais musiciens de la bataille, il existe encore et toujours un « Unisson Mystérieux » dans lequel se trouvent les adversaires les plus forts du monde ! Ce sera l'occasion de faire encore grimper l'expérience, d'obtenir des stats qui décoiffent et de rosser le dernier boss - ou d'affronter ceux qui sont optionnels.
Eternal Sonata, déjà sur XBOX360, a parfois été mal reçu, sans doute parce que nous en attendions ce qu'il ne propose pas : un jeu sur Chopin, un jeu traitant de la différence entre le rêve et la réalité. Par ailleurs, le traitement sibyllin du scénario le rend en fait assez élitiste. Mais comment résister à tant de beauté ? Cette nouvelle version vient parachever l’œuvre d'origine, venant confirmer que cette quête, prenant Chopin comme contexte seulement, est bien celle du Cœur humain, et de sa lutte sans cesse recommencée contre les Ténèbres qui menacent toujours de l'envahir. Devant cette vertu, il se pourrait bien que même le Créateur (car c'est ce qu'incarne Chopin, après tout) s'incline et laisse à la Lumière le soin de veiller sur le monde entier.
05/07/2015
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- une beauté à couper le souffle
- une bande son remarquable
- une aventure bien moins niaise qu'elle en a l'air
- la Lumière et le Coeur vaincront !
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- deux nouveaux personnages assez anecdotiques
- un propos très mystérieux qui pourrait en repousser certains
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TECHNIQUE 5/5
BANDE SON 5/5
SCENARIO 4/5
DUREE DE VIE 4/5
GAMEPLAY 5/5
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